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Les Relations des Jésuites contiennent 6 tomes et défont le mythe du bon Sauvage de Jean-Jacques Rousseau, et aussi des légendes indiennes pour réclamer des territoires, ainsi que la fameuse «spiritualité amérindienne».

jeudi, juin 17, 2010

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CHAPITRE IV.

De la bien-heureuse Mort de la Reverende Mere Marie de l'Incarnation.

La vie de cette femme forte, telle que nous la représente Salomon, en quelqu'estat que nous la considerions, ou engagée dans le mariage, ou dans sa viduité, qui luy a donné la liberté de quitter le monde, et d'estre comme elle l'a esté, une tres-digne fille de sainte Ursule, estant un ouvrage du Saint-Esprit, qui s'est plu en cette ame, et qui a pris plaisir de l'enrichir des dons les plus exquis de ses graces, demande un volume entier, et un esprit plus éclairé que le mien, dans la connoissance de sa conduite, pour en former parfaitement le caractere et l'idée.

Sa vocation toute surnaturelle, que j'ay esté obligé de desduire assez amplement, nous donne quelque veuë de la Providence particulière que Dieu avoit sur cette ame, et nous la devons considerer comme un effet et une production de ces belles lumieres, dont son entendement estoit esclairé, et de ce feu, que l'Epoux celeste avoit allumé dans son cœur dés son enfance. Je ne dis rien de sa vie toute extraordinaire estant encore en France; elle a esté connuë de personnes de grand merite et d'eminente vertu, qui la touchent de prés selon le sang: le zele de la gloire de Dieu brusle trop ardemment dans leur cœur pour en refuser la communication et la connoissance au public. La vie qu'elle a menée en ce païs a esté en comparaison de l'autre une vie cachée, et commune à l'exterieur, par un ordre exprés qu'elle en avoit receu de N. S. et qui fut approuvé de son Directeur; ordre qu'elle a observé si exactement, et avec une application si particuliere, les trente-trois années qu'elle a passé dans le Canada, que, quoy qu'elle eust interieurement de plus grandes communications que jamais avec Nostre-Seigneur, qu'elle ne perdoit point de veuë dans ses emplois et dans sa conversation avec le prochain, non plus que dans l'Oraison, neantmoins ses ravissemens, ses extases, ses visions, ses caresses si particulieres quelle recevoit de la part de Nostre-Seigneur, et de sa sainte Mere, et autres semblables faveurs, qui auparavant luy estoient ordinaires, ne parurent plus. Toutes ces graces demeurerent cachées le reste de sa vie, sous un exterieur tout celeste, qui edifioit et ravissoit les personues qui la voyoient, ou avoient le bonheur de converser avec elle. Son silence perpetuel n'avoit rien de triste ny de rebutant, sa modestie estoit Angelique, et son humilité et sa simplicité sans exemple, accompagnée d'une sagesse et d'une prudence qui ne tenoit rien de l'humain. Quoy qu'elle eust esté dix-huit ans en charge, à trois diverses reprises, avec une entiere satisfaction de tout le monde, tant de la Communauté que du dehors, toutefois elle estoit la plus soumise, la plus obeissante de la maison, la plus exacte dans toutes les observances, et découvroit son interieur à sa Superieure avec la sincerité que feroit une Novice la plus fervente.

Elle conservoit une douceur inalterable pour qui que ce fust, et les personnes qui ont conversé familierement avec elle, ou qui ont conduit son interieur, ont reconnu manifestement que cette admirable égalité d'humeur, venoit d'une vertu interieure toute extraordinaire, et de cette union intime qu'elle avoit avec celuy qui dit de soy-mesme: Mitis sum, et humilis corde, je suis doux et humble de cœur. Elle estoit sans doute possedée de son esprit, et c'est de cette Source infinie de toutes sortes de biens, dont elle estoit si proche, qu'elle avoit tiré ce grand courage et cette confiance inébranlable pour entreprendre si genereusement la conduite d'une Mission de Religieuses en Canada, qui estoit lors sans exemple, et pour se resoudre à traverser tant de mers, à s'establir dans un païs barbare, à y bastir un Monastere, où elle a assemblé 25. à 30. Religieuses, et un nombre considerable de petites Pensionnaires, tant Sauvages, que Françoises, et à le rebastir et le remettre sur pied douze ans apres son arrivée, tout ayant esté consumé par le feu. Elle surmonta toutes ces difficultez, et une infinité d'autres, qui se trouvent toujours dans l'execution des grands desseins, et fournit à toutes ces dépenses du fond inépuisable de cette confiance qu'elle avoit en Dieu, animée de la charité qui brusloit dans son cœur pour le salut de ces peuples, et appuyée fortement sur l'ordre qu'elle avoit receu de Nostre-Seigneur et de sa sainte Mere, de leur bastir en ce païs une Maison. Ces veuës la tenoient dans la paix, qu'elle ne perdit jamais, quelque opposition que pust faire à ses desseins, le demon; du reste, sa maniere d'agir estoit accompagnée de vigueur, de soin et de vigilance, selon la nature des affaires. Son cœur et ses bras estoient toujours ouverts aux filles et aux femmes Sauvages qui vouloient estre instruites; ny la petitesse du lieu où elles estoient logées dans les commencemens, ny leur peu de vivres, ny le manquement de quantité de choses necessaires, n'estoient capables d'arrester son zele et ses liberalitez, ny d'alterer tant soit peu sa confiance. Elle estoit industrieuse, et n'ignoroit rien de ce qu'on peut souhaitter en une personne de son sexe, pour l'aiguille, ou pour le pinceau, et pour toutes sortes d'ouvrages; elle n'estoit pas mesme ignorante en matiere d'architecture. Elle apprit en peu de temps les deux Langues qui ont le plus de cours en ce païs, l'Algonquine et la Huronne, avec tant de succez, qu'elle se rendit capable de les enseigner aux autres, et on peut dire qu'elle est morte dans ce saint exercice, puisque sa derniere maladie la prit lors qu'elle avoit actuellement pour écolieres, trois Religieuses nouvellement venues de France.

Son indisposition commença le seiziéme de Janvier, par un débordement extraordinaire de bile, qui l'obligea de se mettre au lit jusqu'au dernier d'Avril, qui fut le jour de sa bienheureuse mort. Elle fut si mal dés le commencement, que du sentiment des Medecins, on jugea à propos de luy donner ses derniers Sacremens, n'y ayant pas d'apparence qu'elle deust passer le neuviéme jour; et depuis ils protesterent souvent qu'elle ne vivoit que par miracle. Dieu vouloit qu'elle remplist la mesure des souffrances, qui luy devoient meriter la couronne, qu'elle possede maintenant dans le Ciel.

Pendant ces trois mois et demy qu'a duré sa maladie, dans une complication de divers maux, qui luy causoient jour et nuit des douleurs tres-cuisantes, elle fit paroistre une constance qui donna un nouveau lustre à toutes ses vertus. On fut obligé de luy faire des incisions profondes et tres-sensibles en deux abcez qui s'estoient formez sur son corps: pendant cette operation, elle parut dans un repos et dans une égalité d'esprit admirable, sans se permettre la moindre plainte, comme si le rasoir eût agy sur un autre corps que le sien. Elle se tenoit devant Dieu et s'offroit à son infinie bonté, en esprit de victime, toute preste à souffrir encore davantage, jusqu'au dernier jour du Jugement, pour le faire connoistre, aimer et glorifier de tous ces peuples. Elle se consideroit comme attachée à la Croix de son Sauveur, son unique amour, qui l'entretenoit continuellement, elle se conjoüissoit avec luy de ce bonheur, Christo, disoit-elle, confixa sum cruci; cette reflexion luy causoit une joye indicible.

Celles qui l'assistoient, remarquerent que sa douceur, sa patience, son humilité, sa charité, toutes ces belles vertus qu'on avoit toujours admirées, sembloient neantmoins croistre à mesure que croissoient ses douleurs: toutes choses la portoient à Dieu, mais sur tout les douleurs et les souffrances. Vers les derniers jours de sa vie, elle paroissoit comme dans une douce extase, la joye sur le front, la veuë modestement baissée, ou tournée vers son Crucifix, qu'elle tenoit en main; elle parloit peu, mais toujours avec une suavité ravissante.

L'empressement qu'on témoignoit à demander à Dieu sa guerison luy faisoit un peu de peine, parce qu'elle s'estimoit inutile sur la terre: un peu avant sa mort, sa Superieure luy reprochant avec amitié, qu'elle avoit donné quelque subject à sa maladie, ayant toujours voulu suivre la Communauté pour le vivre, quoy que souvent il fust contraire à la foiblesse de son estomac, elle luy découvrit pour lors ce secret, que Nostre-Seigneur luy ayant ordonné, à moins qu'elle ne fust malade, de s'accommoder en tout à la Communauté, elle avoit cru, apres avoir communiqué la chose à son Directeur, qu'elle devoit eviter les particularitez; que sa vie estoit de peu d'importance, mais que sa grande affaire estoit d'obeïr à la divine Majesté. C'est pour cette mesme raison que, quelque degoust qu'elle eust pour la vie présente, et pour ardents que fussent ses desirs d'aller loüer et aimer Dieu dans le Ciel, ses Superieurs voulant qu'elle demandât à Dieu la santé, elle obeït avec simplicité et avec une parfaite soumission, et forma sa priere presque en mesmes termes qu'avoit fait autrefois saint Martin: Monseigneur, si vous jugez que je sois encore necessaire à cette petite Communauté, je ne refuse point le travail, ny la peine; vostre sainte volonté soit faite.

Estant à l'extremité, elle demanda plusieurs fois toutes les petites Pensionnaires, tant Sauvages, que Françoises; elle leur donna sa benediction avec des tendresses incroyables, et les recommanda particulierement à toutes ses sœurs, avec grand zele, les asseurant qu'elle offroit continuellement à Dieu le peu de bien qu'elle faisoit, ses douleurs, sa vie et sa mort, pour la conversion et le salut des pauvres Sauvages, afin, dit-elle, que Dieu soit connu, aimé, servy et glorifié de tous ces peuples. Ce fut dans ces sentimens, que chargée d'années et de merites, elle quitta la terre, pour aller jouir de Dieu dans le Ciel. Cette ame sainte se separa sans violence de sa chere Communauté, parce que Dieu l'appelloit à soy; elle n'eut aucun sentiment de leurs regrets ny de leurs larmes, d'autant qu'elle avoit les yeux arrestez sur la volonté de Dieu, qui avoit toujours esté l'objet de toutes ses delices, et son Paradis en cette vie.

Permission.

Permis d'imprimer. Fait ce 9. Janvier 1673.

Signé, DE LA REYNIE.



FIN

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Version en français contemporain

De la bienheureuse mort de la Révérende Mère Marie de l'Incarnation.


La vie de cette femme forte, telle que nous la représente Salomon, en quelqu'état que nous la considérions, ou engagée dans le mariage, ou dans sa viduité (état de veuvage), qui lui a donné la liberté de quitter le monde, et d'être comme elle l'a été, une très digne fille de sainte Ursule, étant un ouvrage du Saint-Esprit, Qui S'est plu en cette âme, et Qui a pris plaisir de l'enrichir des dons les plus exquis de Ses grâces, demande un volume entier, et un esprit plus éclairé que le mien, dans la connaissance de sa conduite, pour en former parfaitement le caractère et l'idée (notion intellectuelle d'un être ou d'une chose préexistant en Dieu de toute l'éternité).

Sa vocation toute surnaturelle, que j'ai été obligé de déduire (exposer avec précision, raconter en détail) assez amplement, nous donne quelque vue de la Providence particulière que Dieu avait sur cette âme, et nous la devons considérer comme un effet et une production de ces belles lumières, dont son entendement était éclairé, et de ce feu, que l'Époux Céleste avait allumé dans son cœur dès son enfance. Je ne dis rien de sa vie toute extraordinaire étant encore en France. Elle a été connue de personnes de grand mérite et d'éminente vertu, qui la touchent de près selon le sang. Le zèle de la Gloire de Dieu brûle trop ardemment dans leur cœur pour en refuser la communication et la connaissance au public. La vie qu'elle a menée en ce pays a été en comparaison de l'autre une vie cachée, et commune à l'extérieur, par un ordre exprès qu'elle en avait reçu de Notre-Seigneur et qui fut approuvé de son Directeur, ordre qu'elle a observé si exactement, et avec une application si particulière, les trente-trois années qu'elle a passé en Canada, que, quoiqu'elle eut intérieurement de plus grandes communications que jamais avec Notre-Seigneur, qu'elle ne perdait pas de vue dans ses emplois et dans sa conversation avec le prochain, non plus que dans l'Oraison, néanmoins ses ravissements, ses extases, ses visions, ses caresses si particulières quelle recevait de la part de Notre-Seigneur, et de sa sainte Mère, et autres semblables faveurs, qui auparavant lui étaient ordinaires, ne parurent plus. Toutes ces grâces demeurèrent cachées le reste de sa vie, sous un extérieur tout céleste, qui édifiait et ravissait les personues qui la voyaient, ou avaient le bonheur de converser avec elle. Son silence perpétuel n'avait rien de triste ni de rebutant, sa modestie était angélique, et son humilité et sa simplicité sans exemple, accompagnée d'une sagesse et d'une prudence qui ne tenait rien de l'humain. Quoiqu'elle eut été dix-huit ans en charge, à trois diverses reprises, avec une entière satisfaction de tout le monde, tant de la communauté que du dehors, toutefois elle était la plus soumise, la plus obéissante de la maison, la plus exacte dans toutes les observances, et découvrait son intérieur à sa supérieure avec la sincérité que ferait une novice la plus fervente.

Elle conservait une douceur inaltérable pour qui que ce fut, et les personnes qui ont conversé familièrement avec elle, ou qui ont conduit son intérieur, ont reconnu manifestement que cette admirable égalité d'humeur, venait d'une vertu intérieure toute extraordinaire, et de cette union intime qu'elle avait avec Celui qui dit de Soi-même: «Mitis sum, et humilis corde: Je suis doux et humble de cœur.» Elle était sans doute possédée de Son Esprit, et c'est de cette source infinie de toutes sortes de biens, dont elle était si proche, qu'elle avait tiré ce grand courage et cette confiance inébranlable pour entreprendre si généreusement la conduite d'une Mission de religieuses en Canada, qui était alors sans exemple, et pour se résoudre à traverser tant de mers, à s'établir dans un pays barbare, à y bâtir un monastère, où elle a assemblé 25 à 30 religieuses, et un nombre considérable de petites pensionnaires, tant Sauvagesses, que Françaises, et à le rebâtir et le remettre sur pied douze ans après son arrivée, tout ayant été consumé par le feu. Elle surmonta toutes ces difficultés, et une infinité d'autres, qui se trouvent toujours dans l'exécution des grands desseins, et fournit à toutes ces dépenses du fond inépuisable de cette confiance qu'elle avait en Dieu, animée de la charité qui brûlait dans son cœur pour le salut de ces peuples, et appuyée fortement sur l'ordre qu'elle avait reçu de Notre-Seigneur et de Sa sainte Mère, de leur bâtir en ce pays une Maison. Ces vues la tenaient dans la paix, qu'elle ne perdit jamais, quelque opposition que put faire à ses desseins, le démon. Du reste, sa manière d'agir était accompagnée de vigueur, de soin et de vigilance, selon la nature des affaires. Son cœur et ses bras étaient toujours ouverts aux Sauvagesses filles et femmes qui voulaient être instruites. Ni la petitesse du lieu où elles étaient logées dans les commencements, ni leur peu de vivres, ni le manque de quantité de choses nécessaires, n'étaient capables d'arrêter son zèle et ses libéralités, ni d'altérer tant soit peu sa confiance. Elle était industrieuse, et n'ignorait rien de ce qu'on peut souhaiter en une personne de son sexe, pour l'aiguille, ou pour le pinceau, et pour toutes sortes d'ouvrages; elle n'était pas même ignorante en matière d'architecture. Elle apprit en peu de temps les deux langues qui ont le plus cours en ce pays, l'algonquine et la huronne, avec tant de succès, qu'elle se rendit capable de les enseigner aux autres, et on peut dire qu'elle est morte dans ce saint exercice, puisque sa dernière maladie la prit alors qu'elle avait actuellement pour écolières, trois religieuses nouvellement venues de France.

Sa maladie commença le seize janvier, par un débordement extraordinaire de bile, qui l'obligea de se mettre au lit jusqu'au dernier jour d'avril, qui fut le jour de sa bienheureuse mort. Elle fut si mal dès le commencement, que de l'avis des médecins, on jugea à propos de lui donner ses derniers Sacrements, n'y ayant pas de signe qu'elle dusse passer le neuvième jour. Et depuis ils protestèrent souvent qu'elle ne vivait que par miracle. Dieu voulait qu'elle remplisse la mesure des souffrances, qui lui devaient mériter la couronne, qu'elle possède maintenant dans le Ciel.

Pendant ces trois mois et demi qu'a duré sa maladie, dans une complication de divers maux qui lui causaient jour et nuit des douleurs très cuisantes, elle fit paraître une constance qui donna un nouveau lustre à toutes ses vertus. On fut obligé de lui faire des incisions profondes et très sensibles en deux abcès qui s'étaient formés sur son corps. Pendant cette opération, elle parut dans un repos et dans une égalité d'esprit admirable, sans se permettre la moindre plainte, comme si le rasoir eut agi sur un autre corps que le sien. Elle se tenait devant Dieu et s'offrait à Son infinie bonté, en esprit de victime, toute prête à souffrir encore davantage, jusqu'au dernier jour du Jugement, pour Lle faire connaître, aimer et glorifier de tous ces peuples. Elle se considérait comme attachée à la Croix de son Sauveur, son unique amour, qui l'entretenait continuellement. Elle se réjouissait avec Lui de ce bonheur. «Christo, disait-elle, confixa sum cruci.» Cette réflexion lui causait une joie indicible.

Celles qui l'assistaient, remarquèrent que sa douceur, sa patience, son humilité, sa charité, toutes ces belles vertus qu'on avait toujours admirées, semblaient néanmoins croître à mesure que croissaient ses douleurs: toutes choses la portaient à Dieu, mais surtout les douleurs et les souffrances. Vers les derniers jours de sa vie, elle paraissait comme dans une douce extase, la joie sur le front, la vue modestement baissée, ou tournée vers son Crucifix, qu'elle tenait en main. Elle parlait peu, mais toujours avec une suavité ravissante.

L'empressement qu'on témoignait à demander à Dieu sa guérison lui faisait un peu de peine, parce qu'elle s'estimait inutile sur la terre. Un peu avant sa mort, sa supérieure lui reprochant avec amitié, qu'elle avait donné quelque sujet (cause) à sa maladie, ayant toujours voulu suivre la communauté pour le vivre, quoique souvent il fut contraire à la faiblesse de son estomac, elle lui découvrit alors ce secret, que Notre-Seigneur lui ayant ordonné, à moins qu'elle ne fut malade, de s'accommoder en tout à la communauté. Elle avait cru, après avoir communiqué la chose à son directeur, qu'elle devait éviter les particularités; que sa vie était de peu d'importance, mais que sa grande affaire était d'obéir à la divine Majesté. C'est pour cette même raison que, quelque dégoût qu'elle eut pour la vie présente, et pour ardents que fussent ses désirs d'aller louer et aimer Dieu dans le Ciel, ses supérieurs voulant qu'elle demandât à Dieu la santé, elle obéit avec simplicité et avec une parfaite soumission, et forma sa prière presque en mêmes termes qu'avait fait autrefois saint Martin: «Monseigneur, si vous jugez que je sois encore nécessaire à cette petite Communauté, je ne refuse point le travail, ni la peine; que votre sainte volonté soit faite

Étant à l'extrémité, elle demanda plusieurs fois toutes les petites pensionnaires, tant Sauvagesses, que Françaises. Elle leur donna sa bénédiction avec des tendresses incroyables, et les recommanda particulièrement à toutes ses sœurs, avec grand zèle, les assurant qu'elle offrait continuellement à Dieu le peu de bien qu'elle faisait, ses douleurs, sa vie et sa mort, pour la conversion et le salut des pauvres Sauvages, afin, dit-elle, «que Dieu soit connu, aimé, servi et glorifié de tous ces peuples.» Ce fut dans ces sentiments, que chargée d'années et de mérites, elle quitta la terre, pour aller jouir de Dieu dans le Ciel. Cette âme sainte se sépara sans violence de sa chère communauté, parce que Dieu l'appellait à Soi. Elle n'eut aucun sentiment de leurs regrets ni de leurs larmes, d'autant qu'elle avait les yeux arrêtés sur la volonté de Dieu, Qui avait toujours été l'objet de toutes ses délices (fém. plur. Plaisirs de ce monde), et son Paradis en cette vie.

Permission.

Permis d'imprimer. Fait ce 9 janvier 1673.

Signé, DE LA REYNIE.



FIN

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