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Les Relations des Jésuites contiennent 6 tomes et défont le mythe du bon Sauvage de Jean-Jacques Rousseau, et aussi des légendes indiennes pour réclamer des territoires, ainsi que la fameuse «spiritualité amérindienne».

jeudi, octobre 22, 2009

Quelques définitions

Euthanasie

L’euthanasie est une action ou une omission dont l’intention première vise la mort d’un malade pour supprimer la douleur. L’euthanasie est une mort imposée qui s’oppose à la mort naturelle.

La distinction entre l'euthanasie et l'interruption de soins disproportionnés est essentielle.

Euthanasie active/passive

La distinction entre euthanasie active et euthanasie passive n’a pas lieu d’être et fausse le débat.

Soit il y a euthanasie par action ou omission (en injectant un produit létal ou en oubliant de donner à boire...) c'est à dire volonté de mettre un terme à la vie du patient, soit il y a volonté d'accompagner le patient en atténuant ses souffrances, c'est à dire passer de l'acharnement thérapeutique aux soins palliatifs.

Euthanasie d’exception

Notion proposée par le Comité consultatif national d’éthique afin de permettre, dans certains cas exceptionnels, de provoquer la mort d’un malade. On se souvient que l’avortement ne devait être pratiqué dans les hôpitaux que pour répondre à une situation exceptionnelle. Il remplace aujourd’hui, aux frais de la Sécurité sociale, la contraception dans un grand nombre de cas. Une telle dérive ne saurait épargner la pratique de l’euthanasie dans une société où la longévité s’accroît régulièrement avec ses souffrances et multiples dépendances, ce qui pèsera de plus en plus sur le budget de la Santé, d’où certaines tentations...

Aide au suicide - suicide assisté

Méthode qui consiste à mettre du poison dans la seringue et à faire appuyer par le malade afin d’éviter les poursuites.

Acharnement thérapeutique

Poursuivre un traitement lourd qui devient disproportionné par rapport au bien qu’en retire le patient.

Soins palliatifs

Accompagner le malade et utiliser des antalgiques pour soulager la douleur, même si cela consiste à prendre des risques parfois mortels. Le but n'est pas ici de donner la mort au patient. De plus, maintenir un patient en vie, peut lui permettre de tenir jusqu’à la mise au point de nouveaux traitements et d’être guéri.

Accompagnement en fin de vie

L’accompagnement des personnes en fin de vie est le véritable enjeu du débat sur l’euthanasie, comme le remarque le rapport Hennezel qui souligne que si, face à la souffrance, «les pratiques sont hétérogènes, la tentation de répondre au vœu de mort par un geste létal» est souvent révélatrice d’un défaut de formation et d’une solitude des soignants face à des fins de vie qu’ils ne savent pas accompagner. «Ce n’est pas une loi qui amendera les consciences… Par contre, on peut craindre qu’elle freine les efforts de soignants pour améliorer leur pratique, pour la penser, pour inventer une manière d’être humble et humaine auprès de ceux qu’on ne peut plus guérir.»

Interview du Professeur Lucien Israël *

à l'occasion de la déclaration du CCNE du 27 janvier 2000:

«Fin de vie - Arrêt de vie - Euthanasie».



« Une proposition incompréhensible et dangereuse »



Gènéthique

En tant que Professeur émérite de cancérologie, que pensez-vous de la déclaration du Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) « Fin de vie - Arrêt de vie - Euthanasie » du 27 janvier 2000 ?

Pr Lucien Israël

Ce qui est en jeu dans cette déclaration, n’est pas la légalisation mais la dépénalisation d’une euthanasie d’exception. « Euthanasie d’exception » on sait ce que cela veut dire avec la Loi Veil sur l’avortement : il s’agissait « d’avortement d’exception » et maintenant c’est un moyen contraceptif remboursé par la sécurité sociale. Je suis contre cette déclaration pour trois raisons. D’abord cette déclaration est une atteinte grave à l’image de la médecine : c’est demander à des médecins de se transformer en exécuteurs et non plus en défenseurs de la vie. Ensuite c’est un grave danger culturel car une société qui admet que l’on puisse, sans encourir de peine, tuer certains de ses membres, perd le sens de toute solidarité humaine, le sentiment d’appartenance et donc d’un projet commun. Enfin la vie est sacrée et lui porter atteinte ne peut être admis.



Gènéthique

Le CCNE présente justement cette « exception d’euthanasie » comme un acte de « solidarité humaine » quand « les souffrances sont insupportables » et « l’espoir thérapeutique vain » : qu’en pensez-vous ?Pr Lucien Israël

Pr Lucien Israël

Le rôle du médecin est d’empêcher la douleur or il n’y a aucune douleur, aucune souffrance physique, que la médecine aujourd’hui ne puisse contrôler et apaiser. Je vous assure qu’une combinaison de soins locaux, de soins généraux et d’anti-dépresseurs permet au patient de ne pas souffrir, ce qui rend absolument incompréhensible et dangereuse la déclaration du CCNE. Le problème vient plutôt du manque de formation des médecins en ces méthodes : nous employons en France 2 à 3 fois moins de dérivés morphiniques qu’en Grande-Bretagne. Les demandes d’euthanasie émanant de patients sont dues à des négligences, à des pratiques inadéquates de la part du corps médical.



Gènéthique

Mais il y a aussi la souffrance morale du patient.

Pr Lucien Israël

Bien sûr. C’est aussi aux médecins de la prendre en charge, d’entourer le malade et de lui prodiguer soins et attention pour qu’il garde le sentiment d’être respecté et d’exister pour autrui. Une formation des médecins à ces situations particulières serait sûrement très utile.



Gènéthique

Et pour préserver la dignité du patient ?

Pr Lucien Israël

La dignité de la personne humaine ne se juge pas à ses fonctions biologiques mais à l’étincelle qu’il a en lui. Elle n’est pas remise en cause par un problème fonctionnel. Et ce n’est pas à autrui qu’il appartient de juger de la dignité d’une personne.



Gènéthique

Le rapport propose d’appliquer ces mesures aux « nouveaux-nés autonomes et porteurs de séquelles neurologiques extrêmes incurables ». Ne craignez vous pas que cette « exception » puisse être encore élargie à d’autres handicaps ?

Pr Lucien Israël

Bien sûr, c’est malheureusement à redouter.


Gènéthique

Ces enfants souffrent-ils dans leur corps, sans rémission possible ?

Pr Lucien Israël

Non le problème ici est différent : ces enfants seront dépendants toute leur vie, et c’est ce qui fait peur. Mais adopter l’euthanasie pour ces nouveaux-nés, c’est encore une fois nier la médecine. Des progrès importants sont faits actuellement pour réduire les désordres neurologiques, et choisir l’euthanasie c’est sacrifier la recherche et donc abandonner tout espoir de guérison.



Gènéthique

Peut-on comparer cette situation à celle pratiquée par la médecine française envers les enfants trisomiques ?

Pr Lucien Israël

Oui, car le dépistage pré-natal proposé aux parents et suivi d’avortement, dispense les médecins de faire de la recherche : c’est donc là aussi un abandon de la science.



Gènéthique

Pensez-vous que les demandes d’euthanasie soient fréquentes ?

Pr Lucien Israël

Vous savez, en 35 ans d’exercice de cancérologie, sur des dizaines de milliers de malades, j’ai eu 1 seule demande de cet ordre. En fait l’immense majorité des personnes qui prônent l’euthanasie est bien-portante, et quelquefois appartient au corps médical ou à la famille...

Une étude américaine montrait que quand des patients demandaient l’euthanasie, si on traitait leur douleur et leur dépression, ils cessaient de la demander. J’ai toujours observé chez mes patients que quand ils avaient l’impression fondée qu’ils étaient pris pour des êtres humains et qu’on leur donnait la meilleure chance possible, ils étaient partants pour poursuivre, le temps que ça durerait, à condition de ne pas souffrir et surtout d’exister pour l’équipe qui les a pris en charge.



Gènéthique

Est-ce de l’acharnement thérapeutique ?

Pr Lucien Israël

Il n’est pas question d’acharnement thérapeutique, mais d’obstination thérapeutique, puis quand il y a lieu, de paix thérapeutique. L’obstination thérapeutique c’est trouver la meilleure chance à offrir au patient aussi longtemps que cela a un sens. La paix thérapeutique c’est arrêter les traitements pour s’occuper du confort du patient : confort physique, psychologique, moral. C’est l’entourer de compassion et lui permettre de mettre à profit ce répit pour instaurer avec ses proches une relation parfois nouvelle, revenir à une spiritualité parfois négligée ou même témoigner sa reconnaissance à l’équipe soignante.



Gènéthique

Le CCNE admet l’exception d’euthanasie à la condition expresse du « consentement » du patient. Que dire de ce « consentement » ?

Pr Lucien Israël

Attendre le « consentement » du malade est pervers, car il est facile d’induire cette demande de la part de quelqu’un qui se sent inutile ou gênant. Les patients qui n’ont pas été désespérés par des médecins indifférents et peu compatissants ne demandent pas qu’on les tue. Il leur reste d’ailleurs jusqu’à la fin un mince espoir que l’on n’a pas le droit de détruire sèchement.

Les médecins hollandais proposent le « testament de vie » : ils suggèrent aux bien-portants de mettre dans leur portefeuille un papier disant qu’en cas de problème grave ils souhaitent l’euthanasie. C’est aussi une façon d’avoir le consentement.



Gènéthique

Pour conclure ...

Pr Lucien Israël

Je vais vous donner mon expérience : un très grand nombre de patients quand on leur révèle le diagnostic du cancer disent : « Docteur je m’en remets à vous mais j’espère que si un jour ça va mal, vous vous occuperez de moi », ce qui veut dire « vous me ferez passer de l’autre côté sans douleur »… En fait, si on s’occupe d’eux avec compétence et compassion, ils ne renouvellent jamais leur demande, même si et quand cela va mal.



* 20 ans à la direction du service de cancérologie de l'hôpital Avicenne de Bobigny.
Membre de l'Institut
auteur de "Les dangers de l'euthanasie", ed. des Syrtes, Paris, 2002






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