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Les Relations des Jésuites contiennent 6 tomes et défont le mythe du bon Sauvage de Jean-Jacques Rousseau, et aussi des légendes indiennes pour réclamer des territoires, ainsi que la fameuse «spiritualité amérindienne».

samedi, décembre 06, 2008

QUATRIÈME PARTIE

APPLICATIONS ÉCONOMIQUES ET POLITIQUES DU MARXISME-LÉNINISME: COMMUNISME, BOLCHEVISME, TITISMES, ETC... *




Notre long développement sur le seul marxisme a pu faire oublier la distinction dont nous étions partis dans l'Introduction de cet ouvrage.

«Marxisme. communisme. bolchevisme, titismes, ces mots, écrivions-nous (1), méritent d'avoir un sens distinct. Leur relation, certes, est rigoureuse. Le marxisme. pourtant, n'est pas le communisme, qui mérite à son tour d'être distingué du bolchevisme. Maints esprits sont marxistes aujourd'hui, qui ne sont pas explicitement communistes... Et de même il existe des communistes fort peu marxistes, ou qui ne le sont que très inconsciemment, ce qui est une façon de ne pas l'être ou de l'être mal.»

Si notre attention s'est portée avec plus d'insistance sur le marxisme, plus étroitement entendu, c'est parce qu'il est l'âme des trois autres.

L'intérêt de ces distinctions, au double point de vue théorique et tactique, est qu'elles permettent d'observer et de comprendre beaucoup plus rigoureusement le dispositif des multiples aspects et le jeu des perpétuelles transformations de cet «ennemi du genre humain» trop sommairement désigné sous le seul terme de communisme.

Or, une longue expérience l'a prouvé, depuis des années une certaine forme d'anti-communisme s'est trouvée radicalement inefficace parce que les coups dont on prétendait l'accabler, étant mal ajustés, ricochaient, n'atteignant aucun point vital.

Les adversaires du communisme, ayant par nature le plus grand mal à saisir l'importance de son tour d'esprit dialectique (lequel constitue sa perversion fondamentale), ces adversaires ont cru et croient toujours préférable de porter leur attention ailleurs, s'épuisant en des réfutations «statiques» de formules ou de thèses que les vrais marxistes, en réalité, entendent différemment et s'accordent à trouver caduques ou secondaires.

D'où l'intérêt de savoir distinguer en cette affaire l'essentiel de l'accidentel, le principal du secondaire, de ne point prendre la cause pour l'effet, comme nous l'avons vu faire dans une étude, pleine de mérites, mais où la «dialectique» était présentée comme une conséquence de la théorie de l'aliénation (2), alors qu'elle commande et explique celle-ci (3). En résultat, le marxisme apparaissait fondé sur une série de négations a priori quasi-dogmatiques, ce qui, non seulement est faux, mais interdit une saine intelligence du vrai tour d'esprit marxiste et de son «intrinsèque perversion».

Sans oublier que pareilles méprises ont un effet déplorable, bien souvent exploité par les moscoutaires. Elles permettent à ces derniers d'accuser les prétendues réfutations «bourgeoises» du communisme ou du marxisme, d'être caricaturales, mensongères, stupides à l'occasion et pleines de mauvaise foi. On comprendra, dès lors, pourquoi nous avons tant insisté sur le marxisme, cherchant à bien faire saisir ce qui constitue son ressort suprême: la dialectique. L'essentiel est là, et là le secret de tout le système.

D'où la distinction que nous n'avons pas craint de proposer, bien qu'elle soit inhabituelle, entre le marxisme (strictement entendu, ramené à ce qu'il a vraiment d'essentiel) et le communisme (tel qu'on l'envisage le plus souvent).

En fait, c'est ce dernier que le plus grand nombre connaît surtout, et ce mot évoque pour lui: la systématisation des conflits sociaux dans leur phase suprême entre la bourgeoisie et le prolétariat; la critique (juste en partie) des antinomies engendrées par l'économie libérale; le primat de l'économie, la théorie de «la plus-value»; la collectivisation; l'internationalisme; la dictature du prolétariat, etc. Voilà ce qu'on entend d'abord par communisme.

Le sens dialectique est, au contraire, quelque chose de trop difficile à saisir, de trop opposé aux données du sens commun pour qu'on y pense comme au ressort principal du système.

Et tel est pourtant le rôle de la dialectique dans l'œuvre de Marx. Elle est l'essentiel, l'élément permanent. Le reste, bien qu'effectivement décrit, soutenu, professé par Marx, n'a qu'une valeur seconde et relative; à ce point qu'aujourd'hui la Révolution progresse, dans une immense partie de la planète, sans que les thèses du communisme, entendu comme nous le disons, soient explicitement professées.

En quoi les pages de Marx, par exemple, sur la lutte de la bourgeoisie et du prolétariat pourraient-elles intéresser les tribus de l'Afrique noire? Ce sont là des textes plus particulièrement réservés aux pays marqués par la civilisation industrielle. Mais est-ce à dire que la Révolution est sans prise sur les peuples qui ne présentent pas les caractères d'évolution sociale que l'on a pu constater en Occident depuis bientôt deux siècles?
En aucune façon.

Car la Révolution a quelque chose de plus essentiel, de plus permanent, de plus universel que sa systématisation du conflit prolétariat-bourgeoisie, c'est son tour d'esprit dialectique, la loi de contradiction, principe et âme même du marxisme.

Où il n'y a pas de prolétaires et de bourgeois, le marxisme saura trouver, voire susciter d'autres éléments de lutte et de contradiction. On peut même dire que le marxisme aujourd'hui a singulièrement développé la gamme de ses arguments dialectiques.

Quelles qu'en soient les formes innombrables, la contradiction (3 bis) demeure le signe spécifiquement marxiste de cet arsenal, et c'est pour cela que nous avons tant insisté sur ce point, tenant à mettre d'abord en relief l'essentiel et non les thèses d'application qui en dépendent, pour écrites qu'elles soient dans les œuvres de Marx. Ainsi, aujourd'hui en Afrique, c'est la contradiction colonisés-colonialistes qui sert d'argument à la Révolution beaucoup plus que la thèse de l'antinomie bourgeoisie-prolétariat. Révolutionnaire aussi, et marxiste encore, l'exploitation des contradictions qui ne peuvent que naître de l'exaspération nationaliste des peuples de couleur, plus ou moins en tutelle.

Révolutionnaires aussi et marxistes toujours, nos façons de considérer et de penser toutes choses en termes contradictoires: chrétiens-progressistes et chrétiens-intégristes. Le marxisme a besoin de cela. il en vit, il en fait l'élément de ses progrès. Et s'il est des domaines où pareilles antinomies n'existent pas, on peut être assuré que le marxisme saura en faire naître.

Car telle est son essence... ET TELLE EST LA RAISON DE NOTRE DISTINCTION ENTRE LA DIALECTIQUE QUI CONSTITUE L'ESSENCE MÊME DU MARXISME ET SES THÈMES D'APPLICATION LES PLUS COURANTS, QUI PASSENT, EN FAIT, AUX YEUX DE LA PLUPART, POUR ÊTRE LE COMMUNISME.


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Notes:

(*) Ancien numéro 94 de Verbe.

(1) Cf. supra, Introduction au présent ouvrage.

(2) Cf. supra, 2e partie, ch. II.

(3) Autrement dit, c'est pour permettre à la dialectique de «rendre à plein» (image du moteur) qu'il faut désaliéner, c'est-à-dire, écarter, supprimer tout ce qui peut être une entrave au plein essor de la puissance humaine.

(3 bis) Répétons encore qu'il s'agit là surtout d'une contradiction étalée dans le temps et qui n'est pas et ne saurait être quoi qu'en pensent les marxistes cette contradiction «logique» condamnée par le principe d'identité.

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