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Les Relations des Jésuites contiennent 6 tomes et défont le mythe du bon Sauvage de Jean-Jacques Rousseau, et aussi des légendes indiennes pour réclamer des territoires, ainsi que la fameuse «spiritualité amérindienne».

jeudi, décembre 04, 2008

B. - LE COMMUNISME MARXISTE:




1. Critique (sic) de la société libérale.

«Le XIXe siècle, dit-on, fut dominé par le libéralisme économique. Il engendra une grande misère pour les ouvriers. Il y eut heureusement la réaction de Karl Marx. Certes, ses critiques furent violentes, ajoute-t-on, et le communisme qu'il prôna est inacceptable pour un chrétien. Cependant, ses attaques contre le libéralisme décidèrent l'Église à s'occuper des questions sociales, à ne plus rester attachée à la bourgeoisie et à reconquérir les masses laborieuses.» Tel est le schème qu'on nous présente bien souvent.

Et comme nous ne distinguons pas toujours le communisme (avec son apparente philanthropie) du marxisme qui l'anime et en fait une machine de guerre révolutionnaire, nous croyons volontiers que Marx fut un pionnier social justement ému de la misère ouvrière. Ensuite, son initiative aurait «mal tourné» mais il resterait, dans sa «critique» de la société libérale, un grand bienfaiteur des humbles et des opprimés. Or, cela est faux pour deux raisons:

- historiquement, il est faux que Marx ait été le premier à dénoncer les méfaits du libéralisme économique;

- logiquement, sa «critique» n'en est une que dans le sens où l'on peut parler d'une «étude critique» du système libéral.

Marx ne «critique» pas le libéralisme pour le détruire ou pour trouver un remède à la misère ouvrière. Il dresse une «contradiction» comme force de combat en face du libéralisme. Il organise le prolétariat en force révolutionnaire. «Nous ne cherchons pas à guérir la plaie», aurait dit Engels, parlant de la «question sociale», «mais nous frappons sur la plaie.» Cela est tout différent d'une initiative philanthropique, même abusive dans ses conséquences, ou trop violente dans ses méthodes. C'est le contraire de la philanthropie... et, à plus forte raison, de la justice et de la charité (26).

Il est vrai de dire que Marx attaque le libéralisme.


On peut même affirmer qu'il y a de bons diagnostics dans son analyse des profits du capitalisme en ère libérale. «Avec le libéralisme, écrivions-nous dans «Le Travail» (27) la dure loi de l'offre et de la demande ne commence pas à jouer seulement à la sortie de l'usine, lors de la vente des produits. Elle est instaurée à l'entrée de l'usine, à l'embauchage de la main-d'œuvre.»
À cela Marx s'oppose. Et il dénonce les conséquences d'un tel mercantilisme sur la vie des ouvriers considérés comme des «machines» selon l'expression du libéral Molinari.


Ses attaques sont brutales. Sa polémique ne respecte rien. Elle ne répond à aucune des normes de prudence et de charité, voire même de justice, auxquelles un polémiste chrétien eut été tenu.

Il montre les ouvriers «exploités», l'immoralité, l'ivrognerie et les fléaux sociaux résultant de la misère. Il parle du travail des femmes et des enfants à l'usine, des horaires excessifs, etc. Tout cela est maintenant assez connu et répété partout pour qu'on n'ait pas à y insister. (28)

Nous n'apporterons qu'une précision chronologique. Le «Manifeste Communiste», premier document officiel du communisme de Marx est de 1847. Or, le «Tableau de l'état physique et moral des ouvriers dans les principales fabriques de France» fut présenté par le Docteur Vuillermé, devant l'Académie des Sciences morales et politiques en 1838 (29). Avant lui déjà, un catholique, Villeneuve-Bargemont, posait dès 1828 la question du prolétariat et la portait, en 1840, à la tribune de la Chambre. En Angleterre, M. Huskisson, ministre du Commerce, dénonçait déjà le travail des enfants et la cruauté du libéralisme dans une Déclaration à la Chambre des Communes, le 28 février 1826 (30). Marx n'a donc rien inventé. Le fléau avait été observé par des catholiques, voire par certains libéraux eux-mêmes, bien avant lui!

On objectera que, si les efforts des catholiques furent nombreux, les libéraux, eux, constataient le mal et ne faisaient rien pour y remédier. À quoi nous répondrons: Marx, non seulement ne fait rien, mais pousse le mal, volontairement, à son paroxysme. (31)

Nulle part dans son œuvre on ne trouve la condamnation du libéralisme au nom d'un principe. Bien au contraire, la concentration du capital en quelques mains et la prolétarisation de plus en plus poussée des ouvriers sont un «moment» de l'évolution dialectique de l'histoire. Pousser à sa puissance maxima le capitalisme libéral tandis qu'on susciterait contre lui la puissance croissante d'un prolétariat anonyme, sans propriété, sans autre morale que le triomphe de sa «classe», sans racines sociales, ne serait-ce pas la plus formidable «contradiction» que l'on pourrait susciter? Telle était la perspective de Marx qui «cherchant la Révolution, trouva le communisme». (32)

«Le communisme, écrivait-il, procède du capitalisme, se développe historiquement du capitalisme, est le résultat de l'action d'une forme engendrée par le capitalisme.» (33)

Mais déjà nous voici amenés à énumérer les thèses communistes de Marx, intimement liées dans ses œuvres à la critique (telle qu'il la conçoit) du libéralisme.


2̊. Les thèses communistes marxistes proprement dites:
Le marxisme, nous l'avons vu, est un matérialisme dialectique (34). II repose sur cette idée que tout se ramène à une lutte de forces matérielles. En conséquence, l'histoire n'est qu'une suite de conflits entre des forces économiques opposées. Aussi appelle-t-on encore le système de Marx un «matérialisme historique».

Selon lui, la royauté, avec sa conception d'une économie nationale, lutta contre la noblesse et son économie de type féodal. La Révolution «française» fut le triomphe de la bourgeoisie sur la noblesse. «Elle a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques» (35). Son caractère antireligieux viendrait de ce que le «grand centre international du féodalisme était l'Église catholique romaine.» (36)

«L'infrastructure» économique évolue en faveur de la puissance industrielle née de l'invention de la machine à vapeur. Le libéralisme permet l'enrichissement de ceux qui possèdent des capitaux: les capitalistes. «II fut prouvé, dit Engels parlant de l'œuvre de Marx, que l'appropriation du travail non payé était la forme fondamentale de la production capitaliste et de l'exploitation des ouvriers qui en est inséparable, que le capitalisme, alors même qu'il paie la FORCE DU TRAVAIL de l'ouvrier à la valeur réelle que, COMME MARCHANDISE, elle a sur le MARCHÉ, extrait néanmoins d'elle PLUS DE VALEUR qu'il en a donné pour l'acquérir, et que cette plus-value constitue en fin de compte la somme des valeurs d'où provient la masse du capital sans cesse croissante, accumulée dans les mains des classes possédantes.» (37).

On le remarquera, rien n'est changé avec le libéralisme, quant à la conception de l'homme qui travaille et quant à la dignité de son travail. L'un et l'autre considèrent seulement la FORCE de travail de l'ouvrier et n'expriment la valeur de ce travail qu'en termes de valeur marchande. On retrouve dans ce texte les théories typiques du communisme de Marx:

- LE PRIMAT DE L'ÉCONOMIQUE. Autrement dit, l'économie commande tout et tout se ramène à la possession de richesses matérielles.

- LA THÉORIE DE LA «PLUS-VALUE» selon laquelle le patron retient sur le travail de l'ouvrier un profit pur (que nous appelons le bénéfice). Selon Marx, la valeur d'un produit se ramène à la valeur marchande du travail qu'il a fallu pour le produire. Or, dans le prix de vente, le patron extrait plus de valeur - une «plus-value» - que celle du travail fourni. Ainsi l'ouvrier serait-il frustré, pour chaque objet qu'il fabrique, d'une partie de son travail.

- LA CONCENTRATION DU CAPITAL entre quelques mains résulterait du jeu de l'offre et de la demande. Ainsi, le capital, toujours bénéficiaire, aurait-il toujours plus de facilités pour s'accroître encore. Par une progression continue, les plus gros possédants réuniraient entre leur mains le capital entier, non seulement de tout un pays, mais de la planète entière. Qu'opposer à ce capitalisme libéral réduit à quelques possesseurs des richesses mondiales ?...

- LE PROLÉTARIAT ÉRIGÉ EN CLASSE, voilà la force dialectique à opposer au capitalisme libéral. De même QU'IL FAUT NÉCESSAIREMENT QUE LA CONCENTRATION DU CAPITAL SOIT POUSSÉE AU PAROXYSME POUR OUE LE COMMUNISME MARXISTE SOIT CONCEVABLE, de même, il faut que le travailleur soit bien un PROLÉTAIRE, arraché à tout et n'ayant aucun bien propre pour en faire cette FORCE RÉVOLUTIONNAIRE D'OPPOSITION.

Or, Marx s'efforce de démontrer que les progrès du machinisme amènent les «capitalistes» à se passer d'ouvriers qualifiés, payés trop cher, et à leur substituer des manœuvres mal payés, sans goût pour leur travail et sans esprit de «métier». Croit-on qu'il s'indigne? prétend-il les tirer, par son communisme, de cette situation malheureuse, leur redonner goût à l'ouvrage, les faire accéder à la propriété?

Non pas! Tout ce qui faciliterait un rapprochement patron-ouvriers, tout ce qui donnerait au salarié des garanties pour son gain et la stabilité de son emploi, tout cela arrête le jeu des contradictions, freine la Révolution et tend à maintenir la société en position «statique». Le communisme de Marx dresse donc le «prolétaire» contre le «bourgeois» et c'est la LUTTE DES CLASSES (38).

Cette lutte des classes est celle d'un prolétariat international en lutte contre le capitalisme international aux mains d'un petit nombre.

«La grande industrie, écrivait Karl Marx, agglomère dans un seul endroit une foule de gens inconnus les uns des autres. La concurrence les divise d'intérêts. Mais le maintien du salaire, cet intérêt commun qu'ils ont CONTRE leur maître, les réunit dans une même pensée de résistance-coalition... Les coalitions, d'abord isolées se forment en groupes, et en face du capital toujours réuni, le maintien de l'association devient plus nécessaire pour eux que celui du salaire... Dans cette lutte - VÉRITABLE GUERRE CIVILE - se réunissent et se développent tous les éléments nécessaires à une bataille à venir. Une fois arrivée à ce point-là, l'association prend un caractère politique.» (39)

L'issue de ce combat sera l'écrasement total du capitalisme et la DICTATURE DU PROLÉTARIAT (40).

«La victoire de la dictature du prolétariat. écrit Staline (41), signifie l'écrasement de la bourgeoisie, la démolition de la machine d'État bourgeoise, le remplacement de la démocratie bourgeoise par la démocratie prolétarienne. Voilà qui est clair. Mais quelles sont les organisations à l'aide desquelles ce travail colossal peut être accompli? Que les anciennes formes d'organisation du prolétariat qui se sont développées sur la base du parlementarisme bourgeois ne puissent suffire à ce travail, cela n'est guère douteux...

Les Soviets sont la nouvelle forme d'organisation du prolétariat.»

Les Soviets sont les organisations «de masse» du prolétariat. «Le pouvoir des Soviets, réunissant les pouvoirs législatif et exécutif en une seule organisation d'État, et remplaçant les circonscriptions électorales territoriales par des unités de production fabriques et usines - relie directement les ouvriers et, d'une façon générale, les masses travailleuses à l'appareil administratif de l'État, leur apprend à gouverner le pays.»

«...Lénine dit que... la République des Soviets... est la seule forme capable d'assurer la transition la plus indolore du socialisme.» (42)

Les biens des capitalistes appartiendront alors à l'ensemble des prolétaires. Ce sera la COLLECTIVISATION générale.

Parmi les mesures de collectivisation nous relevons:


1. Expropriation de la propriété foncière et affectation de la rente foncière aux dépenses de l'État;

2. Impôt fortement progressif;

3. Abolition de l'héritage;

4. Confiscation des biens de tous les émigrés et rebelles (43);

5. Centralisation du crédit entre les mains de l'État au moyen d'une banque nationale dont le capital appartiendra à l'État et qui jouira d'un monopole exclusif;

6. Centralisation entre les mains de l'État de tous les moyens de transport;

7. Multiplication des manufactures nationales et des instruments de production...

8. Travail obligatoire pour tous: organisation d'armées industrielles, particulièrement pour l'agriculture» (44)... etc...

Peu à peu l'État, tout-puissant pendant la dictature du prolétariat, se détruira lui-même par suite de l'organisation collectiviste toujours croissante jusqu'au moment où il disparaîtra entièrement pour faire place à l'idéal de LA SOCIÉTÉ FUTURE (45).

La société sans classe

La société sans classe telle est la perspective offerte par le communisme marxiste aux masses qu'il veut séduire.

Après les luttes révolutionnaires qui lui sont demandées, le prolétaire ne comprendrait guère sa «libération» autrement que par l'instauration d'un type de vie sociale où les rêves du matérialisme vulgaire se trouveraient enfin réalisés.

Le «Manifeste communiste» en parle peu. «Si le prolétariat», disent Marx et Engels «dans sa lutte contre la bourgeoisie, se constitue forcément en classe, s'il s'érige par une révolution en classe dominante... (s'il) détruit par la violence l'ancien régime de production, il détruit en même temps ... les conditions de l'antagonisme des classes, il détruit les classes en général...»

«À la place de l'ancienne société bourgeoise avec ses classes... surgit une association où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous.» (46)

Ne nous voilà guère avancés! Comment se présentera cette fameuse «société sans classe» où la production des biens sera telle que tous les besoins seront satisfaits sans que soit utile une organisation politique?

Au contact des choses commencent les difficultés. On aimerait savoir quelles seront ces difficultés et comment on les vaincra pour le plus grand bonheur collectif.

Lénine, dit-on, ne promettait guère la «société future» avant mille ans! Mais il est des théoriciens plus optimistes.

Soit donc, une des descriptions les plus poussées qui aient été faites de la société sans classe: celle de Boukharine «Au début, écrit-il, pendant les vingt ou trente premières années, peut-être faudra-t-il établir certaines règles, par exemple: tels produits seront seulement délivrés d'après certaines indications sur le livret de travail ou contre présentation de la carte de travail. Mais plus tard, une fois la société communiste consolidée et développée, tout sera superflu. Tous les produits seront abondants... Chacun retirera de l'entrepôt communal ce dont il a besoin et tout sera dit. Vendre son surplus? Personne n'y aura intérêt, car chacun pourra prendre ce qu'il lui faut, de plus l'argent n'aura pas de valeur. Donc, au début de la société communiste, les produits seront vraiment distribués d'après le travail accompli et, plus tard, tout simplement d'après les besoins des membres de la communauté...» (47).

On aimerait avoir quelques détails sur cette «satisfaction des besoins de chacun».

Au chapitre des moyens de transport par exemple, aurons-nous droit chacun à une «Vespa»? aurons-nous une «Rolls» personnelle?

Au chapitre de l'habillement, serons-nous vêtus d'un «bleu de travail» ou d'un habit sur mesures de chez le bon faiseur avec chemises de soie, brodée à nos initiales? Nous voyons mal toute une société vêtue de brocards et dont tous les membres mèneront une vie opulente. En revanche, un peuple entier vêtu de guenilles est terriblement facile à imaginer.


Lénine aurait parlé d'une «prise au tas». Mais l' «entrepôt communal» cher à Boukharine contiendra-t-il les produits de la seule «commune»? Si la production est spécialisée et centralisée selon des plans à l'échelle mondiale, il est normal que l'entrepôt communal soit ravitaillé de l'extérieur. Il faudra donc des transports, des bureaux, des calculateurs et une administration d'autant plus importante que la centralisation des produits sera plus poussée et la planification plus largement établie.

Or, Boukharine affirme que la «société communiste éliminera le parasitisme», c'est-à-dire les citoyens non-producteurs. Par ailleurs, la centralisation crée l'intermédiaire. Et l'intermédiaire n'est pas précisément un producteur! On sera bien obligé de créer des offices de répartition. Voilà Boukharine au pied du mur. «La direction centrale, écrit-il, incombera à divers bureaux de comptabilité et offices de statistiques. C'est là que, jour par jour, seront tenus les comptes de toute la production et de tous les besoins.»

«La direction centrale»... voilà qui sonne bien mal dans la bouche de ceux qui prétendent faire disparaître l'État? Aussi la conclusion nous paraît-elle surprenante.

«Il n'y a plus d'État. Plus de groupe ou de classe qui soit au-dessus des autres. De plus, dans ces bureaux de comptabilité aujourd'hui travaillent ceux-ci, demain ceux-là... La bureaucratie, le fonctionnarisme permanent disparaîtront. L'État sera mort.»


Acceptons-en l'augure. Il faut calculer et répartir les produits du monde entier, sans État et sans bureaucratie, mais alors comment vont fonctionner les «bureaux» de Boukharine? Comment fonctionnera cette «direction centrale», chargée de tout calculer, en vue de la «prise au tas», si, comme Boukharine l'affirme, «il n'y a ni prolétaires, ni capitalistes, ni ouvriers salariés; il n'y a que de simples humains, « des camarades...»? Comment concilier dans une «société sans classe» la coexistence des producteurs et des distributeurs et calculateurs?

Pour échapper à l'écueil des inégalités de fonctions sur lequel vient se briser le système, on a recours à un stratagème: la rotation sociale: «Aujourd'hui j'administre, je calcule combien il faudra de pantoufles ou de petits pains pour le mois prochain; demain, je travaille dans une savonnerie. La semaine suivante, peut-être, dans une serre de la ville, et trois jours après dans une station électrique... Cela ne sera possible que lorsque tous les membres de la société jouiront d'une instruction convenable.»

Admettons encore qu'on arrive à ce degré «d'instruction convenable». Il reste que les exemples proposés par Boukharine sont trop mal choisis. Que penserait-on du cycle suivant: «Aujourd'hui je suis chirurgien, demain artiste peintre, la semaine suivante gardien de salle dans un hospice de vieillards; un mois plus tard je suis professeur d'Université, puis soutier dans un grand navire, puis star de cinéma, puis plongeur dans un restaurant? Car telle est la vie, telles sont les inégalités réelles. Si la justice doit s'établir par rotation sociale, il faut faire se compenser les points extrêmes.

Et si l'on admet la «rotation sociale», peut-on savoir qui organisera le roulement? Qui me dira: aujourd'hui sois mineur et demain artiste lyrique? Nous craignons fort qu'il y ait des mécontents et que, comme à la caserne, ce soit souvent les mêmes qui se plaignent de faire les corvées!

Mais au moins, à la caserne, le sergent de semaine est là, soutenu par l'adjudant, renforcé à son tour par le capitaine, etc... qui veillent, ordonnent, et s'il le faut, punissent.

Qui veillera, qui ordonnera, qui pourra bien punir dans une société qui, par définition et principe, n'aura ni chefs, ni gendarmes. Société sans État! Encore nous abstenons-nous de toute prévision désobligeante sur la valeur personnelle des membres de la société communiste.

S'il est vrai, comme le prétend le vieil adage que «ce qui est possédé en commun est l'objet d'une commune négligence», que sera-ce quand n'importe qui désignera n'importe quel autre pour faire n'importe quoi?

Marxiste ou non, la «société sans classe» est une de ces utopies que la connaissance des hommes, fût-elle sommaire, ne peut permettre d'envisager sans en rire.

Car, à la vérité, le communisme c'est cela. Nous disons bien: le communisme, l'idéal de la société sans classe. Et nous jugeons passée la dictature du prolétariat.

Or, ce «paradis» d'un nouveau genre, comment Lénine en parle-t-il? «Toute la société, dit-il, ne sera plus QU'UN GRAND BUREAU ET UN GRAND ATELIER.»

Voilà tout ce que l'illustre tacticien a trouvé!

Atelier et bureau, même pas l'unité. Karl Marx n'avait-il pas écrit: «Ce n'est que dans la société communiste, lorsque la résistance du capitalisme aura déjà définitivement été brisée, que les capitalistes auront disparu et qu'il n'y aura plus de classes, que l'État cessera d'exister et que l'on pourra parler de liberté.»? Quand il n'y aura plus de classes... et déjà deux classes vont s'affronter!

Quand, dans la société communiste, le travailleur du fond de la mine passera devant les bureaux qu'on suppose coquets, bien aérés et dotés des derniers perfectionnements scientifiques, peu lui importera de savoir que celui qui tient le porte-plume possède la même fortune ou la même auto.

Alors seront suscitées de nouvelles «contradictions» sociales. La «société sans classe» n'aura été que le revêtement transitoire, fixiste, statique de la «Révolution permanente».

******************

Notes:

(26) Cf. les textes de Marx, Engels, Rosenberg, H. Lefèvre et Liou-Chao-tchi que nous avons cités à propos de la «désaliénation» et de l' «humanisme du travail». Cf. supra, p. 86, 87, 99 et 100.

(27) P. 109.

(28) «Les conditions d'existence de la vieille société sont déjà abolies dans les conditions d'existence du Prolétariat. Le Prolétariat est sans propriété, ses relations de famille n'ont rien de commun avec celles de la famille bourgeoise. Le travail industriel moderne qui implique l'asservissement de l'ouvrier par le Capital... dépouille le prolétariat de tout caractère national. Les lois, la morale, la religion sont pour lui autant de préjugés bourgeois, derrière lesquels se cachent autant d'intérêts bourgeois ». Marx-Engels. Manifeste du Parti Communiste.

(29) «Chez les tisserands de Sainte-Marie-aux-Mines, beaucoup sont maigres, chétifs, scrofuleux, ainsi que leur femme et leurs enfants. Il est vrai que l'on fait dévider les trames à ces dernier dès qu'ils ont atteint l'âge de cinq à six ans, et qu'on les retient chaque jour à ce travail beaucoup plus qu'il ne conviendrait. J'en ai vu de quatre ans et demi qui faisaient déjà ce métier». Dans cette même région les pauvres ne mangent de la viande que «tous les quinze jours et plus rarement encore». À Lille, «un peu plus du sixième de la population totale du département était alors inscrit sur les registres du Bureau de Bienfaisance... C'est de beaucoup la plus forte proportion d'indigents qui ait été constatée en France dans un département entier», un des plus prospères cependant, ajoute plus loin Vuillermé.

«Les logements sont généralement misérables chez les tisseurs de Lille: dans leurs caves obscures, dans leurs chambres qu'on prendrait pour des caves, l'air n'est jamais renouvelé, il est infect, les murs sont plâtrés de mille ordures...». Cf. Vuillermé cité par Deslandres et Michelin. Il y a cent ans. Édit. Spes, Paris.

(30) «Nos fabriques de soieries emploient des milliers d'enfants qu'on tient à la tâche depuis trois heures du matin jusqu'à six heures du soir. Combien leur donne-t-on par semaine? un shilling et demi, trente-sept sous de France, « environ cinq sous et demi par jour, pour être à la tâche dix-neuf heures par jour, surveillés par des contremaîtres munis d'un fouet, dont ils frappent tout enfant qui s'arrête un instant» Huskisson, ministre du Commerce. Déclaration à la Chambre des Communes, le 28 février 1826.

(31) Cf. Lénine: «Presque tous les socialistes d'abord et en général les amis de la classe ouvrière ne voyaient dans le prolétariat qu'une plaie; ils voyaient avec effroi cette plaie s'agrandir à mesure que se développait l'industrie. Aussi cherchaient-ils tous les moyens d'arrêter le développement de l'industrie et du prolétariat. Marx et Engels mettaient, au contraire, tout leur espoir dans la croissance continue de ce dernier. PLUS IL Y A DE PROLÉTAIRES, PLUS GRANDE EST LEUR FORCE EN TANT OUE CLASSE RÉVOLUTIONNAIRE, PLUS LE SOCIALISME EST PROCHE ET POSSIBLE.» Karl Marx et sa doctrine, p. 42, Édit. sociales, Paris.

(32) Cf. Rappoport: «Sur le terrain économique, la société moderne tend à la concentration de la production. Les grandes « entreprises, plus viables et plus profitables, absorbent de plus en plus les petites et moyennes entreprises. L'usine gigantesque supprime le petit atelier, le grand commerce domine la petite boutique, la haute banque triomphe de la petite banque. LE COMMUNISME EST LA CONCLUSION DE CETTE CONCENTRATION».

(33) Cité par L. de Poncins. L'énigme communiste, p. 235.

(34) Cf. supra, 2e partie, ch. I.

(35) Marx-Engels: Manifeste du Parti Communiste, p. 46. Édit. sociales.

(36) F. Engels: Socialismes utopiques et socialisme scientifique.

(37) F. Engels: Opus. cit., p. 56 et p. 59.

(38) «L'histoire est jalonnée par ces luttes constantes des classes et ces secousses sociales profondes. Là comme partout ailleurs, la nature agit par bonds, par saccades, par révolution.» (Marcel Cachin: Sciences et religion, p. 45. Édit. sociales, Paris).

(39) Misère de la philosophie, p. 159-160. Bureau d'éditions, 1937.

(40) «Une révolution est certainement la chose la plus autoritaire qui soit, un acte par lequel une partie de la population impose sa volonté à l'autre partie au moyen de baïonnettes, de fusils, de canons - moyens autoritaires s'il en fut - et le parti qui a triomphé doit maintenir son autorité par la crainte que ses armes inspirent aux réactionnaires.» (Engels, cité par Lénine: L'État et la Révolution, t. IV. p. 2).

- André Marty demandait. en 1924, dans son programme électoral: «Le massacre de la bourgeoisie, l'exécution de tous les fonctionnaires, l'établissement de la dictature du prolétariat, la prise en charge immédiate de la justice. de l'armée et de la police par le Parti communiste».
(41) Des principes du léninisme, p. 39. Edit. sociales. Paris, 1945.


(42) Lénine: Œuvres complètes, t. XXII. p. 131. Édit. russe. « Thèses sur l'Assemblée constituante» (référence de Staline).

(43) Entendre par là tous ceux qui ne voudraient pas du communisme (note de La Cité catholique).

(44) Manifeste du Parti Communiste, p. 48. Édit. du centenaire, C.D.L.P., Paris.

(45) Dans la dictature du prolétariat... «il subsistera encore une certaine inégalité entre les hommes, due au développement insuffisant des forces productrices sociales. C'est seulement dans la deuxième période que la société pourra écrire sur ses drapeaux: de chacun selon ses capacités à chacun selon ses besoins». (Marx et Engels: Critique des programmes de Gotha et de Erfurt).

(46) Manifeste du Parti Communiste, p. 49. Édit. du centenaire, C.D.L.P., Paris, 1948.

(47) Boukharine: A.B.C. du Communisme.


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