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Les Relations des Jésuites contiennent 6 tomes et défont le mythe du bon Sauvage de Jean-Jacques Rousseau, et aussi des légendes indiennes pour réclamer des territoires, ainsi que la fameuse «spiritualité amérindienne».

lundi, octobre 27, 2008

3 LES VICTIMES DE LA DÉPORTATION

Une troisième catégorie de victimes regroupe les personnes mortes en déportation. On sait qu'entre 1930 et 1953 environ 6 millions de personnes furent déportées, sur simple mesure administrative, avec ou sans leur famille, dans des régions inhospitalières de l'URSS (Sibérie, Kazakhstan, Grand Nord, Extrême-Orient, Oural).

Les premières déportations massives de l'ère stalinienne commencèrent en février 1930, lors de la « dékoulakisation » des campagnes. En deux ans, plus de 1 800 000 «koulaks» furent déportés par convois, et généralement abandonnés en pleine taïga, les autorités régionales chargées de l'«accueil» des déportés dans des «villages de peuplement» ayant, le plus souvent, été débordées par l'ampleur de la tâche qui leur avait été assignée. Combien périrent au cours de cette «déportation-abandon» unique en son genre?

Les statistiques sont difficiles à établir: un certain nombre avaient réussi à s'enfuir durant les trois, parfois quatre mois de transfert - avec de longs arrêts dans les gares transformées en camps de transit d'autres étaient parvenus à quitter les lieux où ils avaient été abandonnés. Néanmoins, on peut estimer qu'entre 200 000 et 300 000 personnes _ dont un grand nombre d'enfants emmenés avec leur famille _ périrent en 1930-1931. En 1932, I'OGPU (successeur de la Tcheka) comptabilisa près de 90 000 décès parmi les déportés (taux de mortalité: 6,8 %); en 1933, plus de 151 000 (taux de mortalité: 13,3 %). Au cours de la décennie 1930, le nombre des décès se situe entre 600 000 et 700 000.

Après la «dékoulakisation», la déportation, sans jugement, sur simple mesure administrative, d'«éléments socialement dangereux» devint une pratique courante: dès 1933, à la faveur de la campagne de « passeportisation » des citadins, des dizaines de milliers d'indésirables furent non seulement interdits de séjour dans les grandes villes, mais expulsés, voire déportés à l'issue de grandes rafles.

A partir de 1935-1936 commencèrent, sur une grande échelle, des déportations de groupes ethniques. Dans un premier temps, furent concernées des minorités habitant dans les zones frontalières (Finlandais de la région de Leningrad, Polonais, Allemands des confins occidentaux de l'Ukraine, Coréens de la région de Vladivostok).

Dans les années 1940, décennie d'expansion territoriale, de guerre et de soviétisation de sociétés conquises ou reconquises à l'ouest (pays Baltes, Ukraine occidentale, Moldavie), environ 3 200 000 personnes furent déportées, l'immense majorité d'entre elles sur une base ethnique, et non plus en raison de leur appartenance de classe - à la différence de ce qui s'était passé lors de la «dékoulakisation».

Si l'on connaît aujourd'hui le nombre de personnes déportées, il est beaucoup plus difficile d'établir avec précision celui des décès: morts au cours de l'interminable transfert, sur des milliers de kilomètres, dans des wagons à bestiaux; morts dans les mois et les premières années suivant l'«installation» précaire des déportés dans les «peuplements spéciaux» au Kazakhstan, en Sibérie, dans l'Extrême Nord, en Asie centrale.

Quelques chiffres du département des «Peuplements spéciaux» du ministère de l'intérieur, qui gérait les déportés, donnent la mesure de l'hécatombe. Sur les 575 768 déportés du Caucase du Nord arrivés à destination dans la seconde moitié de l'année 1944, 146 892 (soit 25,5 %) moururent avant le premier octobre 1948. Et on n'enregistra que 28 120 naissances.

Des 228 392 personnes déportées de Crimée en 1944, et parvenues à destination (combien périrent en route?), 44 887 (soit 20 %) moururent avant le premier octobre 1948. Ce n'est, en général, qu'au bout de la cinquième année après le traumatisme de la déportation que se rétablissait l'équilibre naturel des décès et des naissances.

Au stade actuel des connaissances, nous avancerons l'estimation suivante: une surmortalité d'environ un million et demi de personnes pour l'ensemble des déportés, de 1930 à 1953.



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