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Les Relations des Jésuites contiennent 6 tomes et défont le mythe du bon Sauvage de Jean-Jacques Rousseau, et aussi des légendes indiennes pour réclamer des territoires, ainsi que la fameuse «spiritualité amérindienne».

samedi, septembre 13, 2008







CHAPITRE VI





LE PACTE SYNARCHIQUE



Et voici une grande fête maçonnique!

En cette même année 1926 où le P. Gruber commence ses conversations avec les Grands Maîtres, où le Frère-Maçon Izoulet expose son projet de Cartel des Religions, entrons à la Loge Le Portique" du rite écossais, dépendant de la Grande Loge de France. Le Frère-Maçon tuileur, espérons-le, ne nous claquera pas la porte au visage. Nous ne voulons de mal à personne, nos intentions sont pures, notre discrétion d'autant plus assurée que nous n'allons pas ce soir surprendre les secrets de La Franc-Maçonnerie chez elle (8) et qu'au demeurant malgré notre désir on ne nous en dirait rien du tout.

Rien, car nous n'assistons qu'à un banquet.

Mais quel banquet! On le donnait en l'honneur du Frère-Maçon Lantoine, fondateur de la Loge et par surcroît Secrétaire-Général archiviste de la Grande Loge de France. Inutile de décrire la table ou de dire si les hydrophobes étaient en majorité, chose commune à toutes les festivités de ce genre. Mais, le Frère-Maçon Lantoine, pour sûr, était à l'honneur. Circulait dans l'assistance un spirituel album commémoratif le représentant en diverses circonstances déguisé en grec en souvenir de Zénon (*) le philosophe auquel les Frères du Portique le comparaient volontiers tant à cause du nom de la Loge que des arcanes philosophiques où la spiralienne intelligence du héros de ce jour avait l'habitude d'involuer et d'évoluer.

Barbiche au vent, péplum (**) en loques et cothurnes éculés, on le voyait sous un portique adossé à une colonne, pensant peut-être à Hiram (***) couronné d'épines ou méditant sur l'œcuménisme de Saint-Yves d'Alveydre; on le voyait aussi dans un tonneau, comme Diogène (****), à la recherche de la Vérité, thème familier aux intellectuels de la maçonnerie et toujours d'actualité en vertu du principe qu'on ne la trouvera que lorsqu'on ne la cherchera plus. On l'y voyait enfin conduisant un disciple, l'endoctrinant sans doute sur le fait du Nazaréen qu'il déteste, l'accusant d'avoir posé les principes du communisme et du fascisme, du moins à ce que nous en dit le Frère-Maçon Dumesnil de Grammont présent à ces agapes.

Mais, Zénon-Lantoine, tout à coup retourne son péplum. Il va proposer une trêve à l'Église!
Comment en un plomb vil, l'or pur s'est-il changé?
Ici, un peu de patience nous sera nécessaire car les métamorphoses ne s'expliquent pas toujours aussi aisément qu'elles se produisent et leur cause, souvent cachée, ne se découvre qu'au prix d'un temps de réflexion parfois austère avant de recevoir tout à coup, comme les Frères, la Lumière de l'initiation.

LA DÉMOS-IDÉOCRATIE

Vers 1935 apparaît le PACTE SYNARCHIQUE POUR L'EMPIRE FRANCAIS, document très secret dont une page de garde porte des menaces contre quiconque serait convaincu de sa détention illicite. En treize points et cinq cent quatre-vingt-dix-huit articles on y expose techniquement la planification générale de la nation, du continent, de la planète et à tous les points de vue depuis le gouvernement mondial, jusqu'aux entreprises, aux syndicats, et aux religions. Quoique secret, ce document n'a rien d'initiatique et circule par communications individuelles, clandestines, soigneusement contrôlées, parmi des "profanes" sélectionnés ou il fait des adeptes au Comité Synarchique Révolutionnaire. On se lie par serment à ce mouvement et sous le sceau du secret. Ce document a été découvert par la suite dans une Loge Martiniste de Lyon et plusieurs fois publié. L'ensemble du texte qui porte bien la marque du Martinisme, ne fait que mettre en forme pseudo-scientifique, technocratique et accommodée à notre époque la doctrine contenue dans Saint-Yves d'Alveydre.

Passons sur le côté international politique, économique et social du système. Ce qui nous intéresse ici, c'est son but religieux. Le système, totalitaire, est au premier chef antiromain.
Le régime de la révolution synarchiste se dresse d'abord contre le CLÉRICALISME TRADITIONNEL.
Ainsi l'avait annoncé Roca cinquante ans auparavant. N'entendons-nous pas cette déclaration de guerre reprise par un jeune clergé reprochant à l'Église d'avoir corrompu le christianisme primitif et de pactiser avec le capitalisme ploutocratique (*****)? Ces prêtres se rendent-ils compte qu'ils ne font là que répéter, à leur insu bien sûr, le présupposé des Saint-Yves, des Roca, du martinisme à l'instauration de la Nouvelle Église et du Nouveau Sacerdoce dans l'Humanité nouvelle rêvés par les sectes?

Cette nouvelle Église, celle du "Christ-social", c'est la "démos-idéocratie", c'est-à-dire de l'opinion informée et drainée par la puissance étatique rassemblant dans sa main et dans sa main seule les organes de la vie intellectuelle et de la vie religieuse du peuple:
Aucun individu n'est en dehors de la nation culturelle dans une démocratie véritable comprise en mode synarchique.
C'est par la maîtrise du système sur tout élément civique, sur tout mode de penser et d'agir que l'on prétend régler une fois pour toutes les rapports de l'Église et de l'État! L'intégration totalitaire de la première dans le second supprimerait, en effet, les problèmes:
"

Comme état culturel de fait, la Nation synarchique se manifeste ontologiquement par l'ensemble de ses universitaires, de ses pédagogues, de ses ECCLÉSIASTIQUES, de ses artistes, de ses savants, de ses intellectuels et techniciens purs; ils forment une démos-idéocratie de service, de mérite et de talent.

Chaque nation est rectrice souveraine de son domaine culturel.

La pleine synarchisation de l'Empire français nécessite... la réforme du régime culturel pour instaurer l'Ordre culturel de chaque nation dans l'Empire.

Nous étions encore au temps où la France avait des Colonies, c'est pourquoi on parle d'Empire.
On ne relira pas ici sans profit la page du Maître, Saint-Yves d'Alveydre, mise en tête de cette étude. À cinquante ans de distance le programme d'intégration des valeurs, institutions, culture, religions, sans excepter la Franc-Maçonnerie dans un consortium national a été fidèlement gardé, transmis, scrupuleusement traduit en un langage technocratique propre à émerveiller le badaud, à recruter l'adepte.
Cette démos-idéocratie, dit le Pacte, est donc l'ensemble des citoyens qui ont acquis la pleine connaissance culturelle collective et y absorbent professionnellement leur vie: universitaires, pédagogues, ECCLÉSIASTIQUES, artistes, savants, intellectuels et techniciens purs.
Seul, le nom de ce pandémonium a changé. On ne l'appelle plus une église comme Saint-Yves d'Alveydre, mais l'ORDRE CULTUREL dans lequel l'Église romaine ira prendre sa place en associée mineure pour y jouer un rôle strictement adapté à la constitution et à la doctrine de l'État synarchique. En effet:
Une démocratie culturelle n'est réellement constituée en mode
synarchiste que si elle est soustraite à tout privilège de droit ou de fait, au règne de l'incompétence, à l'emprise de l'argent, à l'influence d'une quelconque oligarchie, à la dictature de droit ou de fait de toute classe ou congrégation sectaire ou partisane, aux manœuvres intolérantes de n'importe quel groupement (que son caractère soit ECCLÉSIASTIQUE, philosophique, politique ou autre) qui tendrait à exclure l'une quelconque des formes de la pensée nationale ou impériale fut-elle exprimée par une faible minorité ou par un seul individu.
(9)

Quelle conclusion tirer de ces textes?

Ils donnent la formule d'une sorte de super-fascisme doctrinal. Sous le dehors du libéralisme accueillant aux différentes formes de la culture et des convictions religieuses, ils fondent tout en un système unitaire qui ne le cède pas au nazisme, à cette différence près que celui-ci impose sa doctrine et elle seule tandis que la synarchie réduit tout ce qui existe à un commun dénominateur. Cette réduction postule l'intégration des facteurs divergents. L'insistance du Pacte à nommer les ecclésiastiques montre assez que cette intégration ne doit aboutir à rien d'autre qu'à une Église nationale FAISANT BON MARCHÉ DU POUVOIR JURIDICTIONNEL DU PAPE ET À L'OCCASION DE SON MAGISTÈRE DOCTRINAL. D'autres passages de ce document ne cachent pas en effet la prétention de s'opposer au viol des consciences libérées" et à l'admission de quelque orthodoxie que ce soit, sauf celle du régime bien entendu. Car celle-ci existe. Ne serait-ce par exemple que cette base constamment rappelée à tous les chapitres du Pacte: L'HUMANISME INTÉGRAL païen et panthéistique des Hautes Sociétés Secrètes d'où vient, dit encore ce texte, LA PRIMAUTÉ DU SPIRITUEL DANS NOTRE MOUVEMENT RÉVOLUTIONNAIRE. Curieux échos aux titres d'ouvrages de M. Jacques Maritain, publiés à la même époque et dont le succès, resté dans toutes les mémoires, témoigne de la vogue de certains mots-clefs.

Cette vogue n'est pas un effet du hasard, mais elle n'emporte pas la conclusion que ces idées ont été tirées directement du pacte synarchique par des vulgarisateurs mis dans le secret. Il y en a sans doute, mais le Pacte, à l'époque, est confidentiel. Qui est affilié doit en répandre les idées autour de lui, c'est la consigne, mais sans pour autant en produire le texte à la vue de ses auditeurs. De cette façon, une vague de théories nouvelles dont on ignore à la fois les prolégomènes lointains, les principes secrets, la source profonde et le bénéfice qu'en espèrent leurs auteurs dans un avenir indéterminé, crée un climat. Nous en sommes désormais à la renaissance du spiritualisme dans des milieux que le rationalisme et le matérialisme avaient adressés contre l'Église. Dans la maçonnerie, divers scandales financiers et surtout l'affaire Stavisky qui découvrent les agissements de certains Frères-Maçons politiciens et besogneux incitent les autres, horrifiés, à reconsidérer les valeurs spirituelles, à renoncer vis-à-vis de l'Église aux vieilles habitudes du Combisme et même à entretenir certaines relations. Le secret du Pacte, le virage spiritualiste d'un bon nombre de Loges, une certaine ouverture vers le socialisme assortie d'un fort mouvement en faveur de l'organisation professionnelle au moment ou le parti communiste se montre menaçant, tout cela sous le signe d'un humanisme universel dans une atmosphère de détente, de confiance en des techniques sociales nouvelles, égare l'opinion.

Tout cela persuade des ecclésiastiques qu'une union raisonnable avec ce monde nouveau doit être tentée. L'idée du rapprochement entre l'Église et la Franc-Maçonnerie leur semble un geste de pacification sinon nécessaire du moins utile, tandis que dans une fraction des Hautes Sociétés Secrètes dont nous aurons à parler, le thème du rapprochement apparaît comme LA PREMIÈRE MANŒUVRE TACTIQUE VERS L'INTÉGRATION.

Notes:

(8) Du Frère-Maçon Lantoine qui a écrit également La Franc-Maçonnerie dans l'État. Deux ouvrages historiques très intéressants mais appelant de nombreuses réserves.

(*) Zénon de Citium, philosophe grec, fondateur du stoïcisme, né à Citium (Chypre) à la fin du IVe siècle av. J.-C. Il enseigna à Athènes. On prétend qu'il mourut volontairement (C’est un euphémisme qui veut dire qu’il se suicida), quand il jugea son oeuvre achevée. Diogène Laërce lui attribue la fameuse maxime: «Vivre conformément à la nature.» Et de mourir conformément à sa philosophie en ne respectant pas la vie, même la sienne.


stoïcisme, nom masculin, (du latin stoicus, stoïcien). Doctrine philosophique de Zénon. Fig. Fermeté, austérité, constance dans le malheur: supporter les maux avec stoïcisme. ENCYCLOPÉDIE. Le stoïcisme a pour point de départ une physique assez compliquée. Son idée mère, c'est l'idée de tension, d’effort. Les seuls êtres de la nature sont les corps; mais en tous le principe actif, la cause, la force, est inséparable de la matière: pas de matière sans force, pas de force sans matière. L'élément qui est à la fois la force la plus active et le corps assez subtil pour tout pénétrer, c'est le feu. Dans le monde entier, c'est un feu artiste qui est à l'œuvre. Le souverain bien consiste dans l'effort pour arriver à la vertu. Tout le reste est indifférent, et de ce point de vue la douleur elle-même n'est pas un mal. Les vertus, comme les vices, n'admettent pas de degrés. Le sage réalise l'idéal de toutes les perfections, et son bonheur est sans limites.
Dans la pratique, les stoïciens s'efforcent de rendre les hommes indépendants des circonstances extérieures, et préconisent une insensibilité qui ressemble parfois à de la dureté. De même que l'homme a une âme, l'univers a aussi une âme, qui est Dieu. Les principaux stoïciens ont été Cléanthe et Chrysippe, qui furent, avec Zénon, les fondateurs de l'école; Ariston, de Chio; Hérille, de Carthage; Diogène, de Séleucie; Sénèque, Epictète ct Marc Aurèle.




Péplum.



(**) péplum, nom masculin (mot latin) ou péplos (mot grec). Chez les Anciens, tunique de femme, sans manches, agrafée sur l'épaule.
- ENCYCLOPÉDIE. Le péplum est un vêtement proprement grec. C'est une large couverture enveloppant complètement l'épaule gauche, une moitié passant derrière le dos et l'autre couvrant la partie antérieure du corps, jusqu'à ce qu'elles se rejoignent sur le côté droit, où elles sont attachées de manière à laisser l'épaule et le bras découverts.



(***) Hiram ou Chiram, artiste phénicien, qui, envoyé à Salomon par le roi de Tyr, Hiram, tondit pour le temple deux chérubins en or, la mer d'airain, etc. L’assassinat d’Hiram par trois des ses compagnons jaloux de son mérite est encore symbolisé dans les loges maçonniques, lors des cérémonies de réception au grade de maître.




Diogène, d'après une peinture antique.


(****) Diogène le Cynique, philosophe grec, né à Sinope (413-323 av. J.-C.). La sagesse, selon lui, consiste à vivre conformément à la nature, en méprisant les richesses et les conventions sociales. Il marchait pieds nus en toute saison, donnait sous les portiques des temples enveloppé dans son unique manteau et ayant pour logis habituel un tonneau, qui devint populaire dans toute la Grèce. Alexandre, à Corinthe, lui ayant demandé s'il désirait quelque chose: «Oui, répandit le Cynique, que tu t’ôtes de mon soleil.» Tout le monde connaît cette charmante histoire de l'entant qu'il aperçut un jour buvant à une fontaine dans le creux de sa main: «Cet enfant m'apprend, s'écria-t-il, que je conserve encore du superflu», et il brisa l'écuelle dans laquelle il avait l'habitude de boire. Un autre jour, il assistait à une leçon d'un philosophe sceptique, qui niait le mouvement. Pour répondre au sophiste, il se leva et se mit à marcher. Platon ayant défini l'homme «un animal à deux pieds, sans plumes», Diogène jeta au milieu du cercle de ses auditeurs un coq plumé, en s'écriant: «Voilà l'homme de Platon!» Il professait un si profond dédain pour l'humanité tout entière qu'on le rencontra un jour, en plein midi, dans les rues d'Athènes, une lanterne à la main et répondant à ceux qui lui demandaient la raison de cette bizarrerie: «Je cherche un homme.» C'est lui qui a inventé la simplicité volontaire dont se piquent nos intellectuels sans le sou.

(*****) ploutocratie, nom féminin (de ploutocrate). Régime politique et social, où l'autorité appartient aux riches: Carthage fut une ploutocratie.

(9) Ce «seul individu», d'après un autre document le Schéma de l'Archétype social, contemporain du Pacte synarchique, serait le Primat qu'on trouve déjà dans Saint-Yves d'Alveydre.

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