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Les Relations des Jésuites contiennent 6 tomes et défont le mythe du bon Sauvage de Jean-Jacques Rousseau, et aussi des légendes indiennes pour réclamer des territoires, ainsi que la fameuse «spiritualité amérindienne».

lundi, septembre 15, 2008

CHAPITRE IV

LES INFILTRATIONS, LA CRISE MODERNISTE

Tout ceci se disait, se tramait au fond des sociétés secrètes juste avant 1890. Il faut bien en prendre acte et constater qu'une transmission plus ou moins occulte s'est opérée de l'intérieur à l'extérieur. Car le fait est là: Nombre de ces idées ont pris corps dans certaines couches du catholicisme contemporain. Sous des formes à peine différentes on les professe, on les affirme, on les donne pour orthodoxie pure, on veut les imposer, on qualifie les opposants de nous ne savons quelles déviations malsaines. Par quels cheminements ont-elles envahi la pensée chrétienne? Comment ont-elles pu s'infiltrer jusqu'à devenir comme le prévoyait Roca une puissance dans l'Église?

L'innovation de la Synarchie, c'est d'opérer méthodiquement par zones d'influence comme les ondes qui se développent à la surface de l'eau où l'on a jeté un caillou.

Nous avons vu les relations de Roca avec les plus hauts initiés de son temps. Voyons celles qu'il entretint avec des intellectuels qui se disaient catholiques.


LES OCCULTISTES CATHOLIQUES

Les premières sont évidemment celles qu'il eut avec JOSÉPHIN PÉLADAN. Celui-ci figure dès 1888 parmi les membres du Premier Conseil de l'Ordre Kabbalistique de la Rose-Croix. En Janvier 1892, Roca fait la publicité de son livre: COMMENT ON DEVIENT MAGE édité à la Librairie du Merveilleux. Mais, Joséphin Péladan, illuminé par tempérament, possède en lui la flamme d'un sentimentalisme chrétien, dont la sincérité surchauffée par un orgueil étonnamment naïf, atteint au mysticisme survolté. Il rompt bruyamment avec Guaïta et les autres pour fonder l'ORDRE KABBALISTIQUE DE LA ROSE-CROIX CATHOLIQUE où la fièvre monte avec le nombre des adeptes qui croient trouver dans les productions artistiques et théâtrales du Sar (Joséphin Péladan) l'aliment quasi-céleste d'un renouveau victorieux de la foi chrétienne. Roca fréquente ceux-là et d'autres qui, écrit-il:
Jeunes gens pleins d'avenir, porteurs de beaux noms, se sentent irrésistiblement attirés vers les autels du Christ pour y célébrer les divins mystères.
Entendez par là la parodie gnostique des mystères chrétiens. À cette époque une série de revues ésotériques a vu le jour: L'Étoile, Le voile d'Isis, L'Initiation", L'Aurore. Roca les recommande; il y collabore, en connaît tous les rédacteurs dont certains proclament leur catholicisme. Jouhnet par exemple jouit de cette réputation. En 1891, il écrit à Roca:
C'EST LA PÉNÉTRATION DE VOS ESPOIRS DANS LE
CLERGÉ MÊME QUE VOUS POURSUIVEZ MAINTENANT,

et l'autre de lui répondre:

VENU D'UN KABBALISTE DE VOTRE FORCE CET
ENCOURAGEMENT M'EST PRÉCIEUX.

Dans la feuille d'avant-garde de l'-ex-chanoine, on lit l'annonce d'un ouvrage qui vient de paraître, ÉGLISE ET FIN DE SIÈCLE par l'Abbé Jeannin. Cet ouvrage est significatif, à plusieurs points de vue, moins à la vérité par l'ennuyeuse énumération des prétendues insuffisances de l'Église que la presse et ses folliculaires ressortiront en abondance au moment du Concile, que par un schéma préfiguratif de l'évolution moderniste. Les passages que nous en allons citer montrent comment déjà certains prêtres ont substitué dans leur esprit les mystères de l'occultisme antique professé par les Sectes à la Révélation Divine et comment cette transformation de leur foi en un ésotérisme aberrant nourrit chez eux le syncrétisme christique qui est aujourd'hui à la base de la Religion Universelle de l'Humanité, sinon prêchée, du moins professée par des ecclésiastiques. Ils montrent à quel point une telle défiguration du christianisme s'est propagée implicitement sous les formes diverses du modernisme. On trouve tout en effet dans ces passages où cette religion unique trouvant sa justification dans les seuls développements de la science et du progrès, postule la Rénovation intégrale de l'Église réclamée par le progressisme.

L'Église Catholique, dit en effet l'abbé Jeannin, possède la Vérité, la Vérité une, absolue, la Vérité résolvant tous les problèmes que l'intelligence humaine peut et doit se poser. Mais elle la tient enfermée dans un labyrinthe inextricable de dogmes dont les contradictions découragent le chrétien le plus intrépide; elle la revêt d'habits qui cachent ses formes pour la rendre plus acceptable à des préjugés grossiers; elle étouffe sa voix dans l'inertie du sommeil; elle ne montre que son image défigurée, matérialisée et enlaidie; elle l'appelle Révélation.

(Église et fin de siècle p. 138)

La Révélation niée, les mystères subsistent et l'on prétend les expliquer. Mais comment les expliquer sinon par la Gnose, cette science sans limite a dit le Frère-Maçon Camille Savoire? Et comment la Gnose peut-elle elle-même en donner raison sinon par l'exposé des mystères secrets?

Les principaux dogmes Catholiques, poursuit l'abbé Jeannin, sont donc une réminiscence ou une réédition du passé. C'est l'Isis antique habillée à la moderne suivant les goûts ou les intérêts de ceux qui l'ont adorée ou exploitée. C'est la vérité revêtue de voiles aux nuances diverses. C'est la Religion unique, universelle, de tous les temps et de tous les lieux mais adaptée à une forme spéciale qui a pu convenir à certaines époques et à certaines races, mais qui ne saurait convenir à la notre.

C'est que l'esprit humain a marché et qu'il réclame des croyances raisonnables pour leur obéir
"rationabile obsequium". C'est que la loi du progrès est inéluctable
. (p. 148)


Comparant, avec les religions anciennes, les dogmes catholiques de l'Unité Divine, de la Trinité, de l'Incarnation, de la Rédemption, de la Vierge Mère, puis les Anges, l'homme, la chute originelle, le Paradis, l'Enfer et le Purgatoire, l'abbé conclut à la nécessité de moderniser tout cela; il estime que l'Église doit réformer ses exposés dogmatiques après quoi ce sera:

la réconciliation des sœurs ennemies: la foi et la raison. Inébranlable dans son dogme qui est la vérité, qu'elle en adapte la formule aux exigences de L'ESPRIT HUMAIN AFFRANCHI. Qu'elle enlève le voile usé dont elle couvre l'Âme de sa théologie, qu'elle répudie les vieilles formules scolastiques... (p. 148)

Le lien qui unit l'occultisme, le moderisme, et, maintenant LA RELIGION UNIVERSELLE des sectes, c'est le christisme syncrétiste qui apparaît ici clairement. Il dénonce en même temps et le rôle d'un certain clergé dans l'évolution religieuse de notre temps et la part prise par les Hautes Sociétés Secrètes dans cette évolution; il montre comment des prêtres sont les premiers responsables des contacts qui ont été pris avec elles et comment la subversion s'est réalisée.

Dans la même feuille d'avant-garde, un prêtre encore écrit une recension du livre: Eoraka du Comte de Larmandie édité chez Chamuel. Quel est ce prêtre? Nous l'ignorons; mais Larmandie est, lui aussi, un militant de la Rose-Croix Catholique Ami de Jouhnet et de Papus, il collabore avec Roca à L'Étoile" organe gnostique de tout un groupe: La Fraternité de l'Étoile qui tient salon chez Madame Piou de Saint Gille, émule de la fameuse duchesse de Pomar, grande amie de Roca. Là fréquentent des prêtres dont deux se nomment dit-on, Stalin et Housset. Certains écrivent dans Le Socialiste chrétien du Chanoine Kabbaliste, tel un certain abbé de Montalte, d'autres collaborent aux revues occultistes, notamment à celles de Larmandie, ainsi le fameux docteur Alta.


LE DOCTEUR ALTA

Celui-ci doit retenir notre attention. Avec lui nous assistons au perfectionnement de la manœuvre. Le cas Roca est trop voyant. Mais des prêtres gagnés à la cause des sectes, marchant dans leur voie, l'aplanissant même, vont la rendre peu à peu carrossable aux pèlerins du modernisme. Sincères, mais intoxiqués par l'atmosphère nouvelle, ces derniers prêcheront un christianisme ouvert sans s'apercevoir que cette ouverture débouche sur l'Église de Saint-Yves d'Alveydre et de Roca. Avec Alta nous n'en sommes pas encore là et cependant, lui, ne rompt déjà plus visiblement avec l'Église. Son pseudonyme lui permet de continuer son office paroissial malgré son appartenance certaine aux groupes occultistes qui, de la sorte, bénéficient de sa présence au sein du Clergé. Dans "Les entretiens idéalistes" de Mars 1907, Paul Vulliaud, dont nous aurons à parler plus loin, dit de lui:

AU LIEU DE FUIR LE TEMPLE COMME L'INSENSÉ LUTHER, IL RESTE POUR REFORMER AU SEIN DU TEMPLE.


La formule exprime bien la méthode annoncée par les Carbonari de la Haute-Vente, car en effet, Alta qui participe aux fameux Congrès spiritualistes organisés par Papus et l'Ordre martiniste, collabore avec le Comte de Larmandie. Son ouvrage: L'ÉVANGILE DE L'ESPRIT-SAINT JEAN TRADUIT ET COMMENTÉ (1907) reflète dans son double titre la tradition ésotérique des Rose-Croix et les prétentions de toute maçonnerie dite chrétienne. Édité par la librairie maçonnique Chacornac, il fit assez de bruit et n'intéressa pas moins les modernistes que les participants aux Congrès spiritualistes de 1908. Ces derniers y retrouvaient leur interprétation de Saint Jean selon le néo-christianisme initiatique transcendant les mystères de la foi; les premiers y pouvaient pêcher maints encouragements à leur théorie de l'immanence; les uns et les autres devaient être sensibles, semble-t-il, à son appel à la réforme soit par amour de l'évolution des dogmes, soit par sa correspondance à l'Église" ésotérique en faisant appel

Au Pape de Génie
qui haussera l'Eglise catholique
du christianisme matériel
au christianisme spirituel.


Mais d'un autre côté, car n'oublions pas qu'il jouait sur les deux tableaux, le Docteur Alta collaborait au journal de l'Abbé Naudet, "La justice sociale", ajoutant d'une manière plus efficace, parce que plus dissimulée, à l'entreprise de démolition doctrinale et disciplinaire poursuivie jusque dans les séminaires par cette publication malgré les interdictions de Mgr Dubillard et du siège romain.

Tel était l'abbé Mélinge - car c'était le nom du Docteur Alta - Curé de Morigny près d'Etampes au diocèse de Versailles. Il était encore à son poste en 1909.

Son exemple n'est pas unique. Il n'est qu'un des plus tristement célèbres et significatifs. Dans Le symbolisme", le Frère-Maçon Marius Lepage raconte, en effet, le cas d'un certain Siouville qui, depuis 1909 environ, faisait mensuellement une visite à Oswald Wirth et qui écrivit en 1923 dans sa revue une série d'articles édités ensuite en 1925 sous le titre: LE PRINCE DE CE MONDE ET LE PÉCHÉ ORIGINEL. L'Église, dit-on, y était prise en flagrant délit d'inconstance en matière d'enseignement. Ces relations duraient depuis plus de trente ans quand Siouville mourut en 1933. C'était l'abbé Lelong, prêtre des environs de Paris.

Combien étaient-ils ceux-là qui n'avaient pas quitté ostensiblement l'Église mais y demeuraient pour y semer secrètement le virus de la subversion? Mille, prétendait Roca, par fanfaronnade bien sûr. Saint-Yves d'Alveydre plus modéré disait:

JE CONNAIS DE SAINTS PRÊTRES QUI MARCHENT DANS
CETTE VOIE DU CHRISTIANISME SYNARCHIQUE.

Dupes ou comparses il y en avait à coup sûr un nombre peu élevé mais très actif avec lesquels on ne peut confondre tous ceux qui à leur insu, en dehors du cercle des illuminés et des initiés, ne restaient pas insensibles aux thèses les moins avancées du christianisme ésotérique des occultistes chrétiens. Cependant, la pénétration dans le clergé des idées des sectes si étrangères à la foi catholique n'aurait eu aucune chance de succès si le modernisme qui en avait repris certaines à son compte n'eut concouru à les acclimater sous une forme d'où l'occultisme avait disparu et si un autre véhicule n'avait été susceptible d'en transmettre le contenu implicite. LA MYSTIQUE DÉMOCRATIQUE a largement joué ce rôle. Sans doute l'idée démocratique n'était-elle pas une nouveauté. Depuis Lamenais elle faisait son chemin aidée par les révolutions, les écoles socialistes, l'ambiance intellectuelle du XIXème siècle poursuivant sur la lancée de la Révolution. La démocratie que pensait ce siècle n'était pas un régime indépendant de la forme du gouvernement, fondé sur l'organicité (*) de la nation, mais la démocratie de la masse, la multitude non définie prise pour la personnalité nationale, t'identification du nombre avec l'entité sociale. Il fallait déjà un certain mysticisme, une poussée toute sentimentale pour identifier des éléments aussi lointains les uns des autres. Mais quel bouillon de culture mieux préparé que celui-là pour faire croître l'idée de la masse-nation aux proportions de la masse-divinité, pour faire lever le ferment du Christ-social, du Christ-Humanité? Alors, le sint unum de l'Évangile tenu pour terme absolu de l'évolution sociale, la palingénésie de l'Humanité rédemptrice, christifiée en esprit, l'amour du peuple, la justice du paradis socialiste tout cela pouvait se mêler "dans la chaude incubation du Saint-Esprit de l'Évangile élaborant l'œuvre de la Rédemption" disait Roca.

Je crois que cette rédemption (sociale des peuples) est accomplie dans la société nouvelle par l'avènement de la démocratie.

Je crois que la démocratie de nos jours est fille légitime de l'Église catholique, fille issue de l'union de Jésus-Christ avec cette Église.

La société moderne est la fille de 89... Mais elle est aussi la fille du Christ et de l'Église... Et pourquoi? À cause de l'Esprit du Christ devenu l'esprit public de tous les peuples civilisés.

Compte tenu de ce que, lui, Roca entend par ce mot d'Église Catholique, non pas celle de Rome mais celle de Saint-Yves d'Alveydre, cette mystique démocratique confondant le Christ et la démocratie dans un oméga apocalyptique était bien celle de Vulliaud autre occultiste catholique. Elle foisonne dans ses Entretiens idéalistes, au sein de son groupe LA CONFRÉRIE ROSICRUCIENNE DE LA ROSACE dont Marc SANGNIER nous a laissé un éloge édifiant et attendri. C'est à ce genre d'influence que le plus grand sillon devait de voir L'ÂME UNIVERSELLE DE L'ÉGLISE appeler comme aboutissement du christianisme cet IDÉAL DÉMOCRATIQUE unissant toutes les tendances depuis le protestantisme jusqu'aux révolutionnaires russes de 1905. Étrange identification de l'idéal chrétien" avec "cet idéal démocratique" garantissant, paraît-il, le triomphe de l'Église! Mais laquelle? Roca l’avait bien dit dans son langage ésotérique:

LE CATHOLICISME N'EST PAS UNE FIN, IL EST UNE VOIE PAR LAQUELLE DEVRAIT PASSER LE CHRISTIANISME POUR ATTEINDRE À SON BUT SOCIAL.


On peut constater l'illustration de cet adage du catholicisme moyen dans l'une des lames du tarot! On est Kabbaliste ou on ne l'est pas!

Cette mentalité qui a envahi le catholicisme au début du siècle a produit une abondante littérature que l'abbé Barbier dans "Les infiltrations maçonniques dans l'Église" a suffisamment analysée. La présente étude y a ajouté quelques précisions plus spécifiquement occultistes. Nous renvoyons maintenant le lecteur à cet ouvrage en ce qui concerne la période qui va du commencement de notre siècle jusqu'en 1910.

Toutefois nous n'abandonnerons pas cette première partie sans faire quelques remarques indispensables à la compréhension de l'ensemble.

En premier lieu, si l'on se reporte à la page de Saint-Yves d'Alveydre sur les églises nationales que nous avons citée, on y verra que ce pandémonium culturel réunit dans son sein l'Église et la maçonnerie. Il faut donc les réconcilier, créer des points de rencontre, préparer entre les loges et l'opinion catholique un phénomène d'osmose en quelque sorte. Il va donc falloir remonter dans la maçonnerie le courant matérialiste qui l'éloigne du but et y développer le spiritualisme ésotérique qui l'en rapprochera. Ce sera l'œuvre du Martinisme, des Congrès spiritualistes, de l'école symboliste d'Oswald Wirth. Ainsi pouvait dire Roca des Francs-Maçons:

C'EST POUR LE CHRIST QU'ILS TRAVAILLENT SCIEMMENT OU NON! ILS MAÇONNENT SON CORPS ECCLÉSIAL, LE VRAI TEMPLE DE DIEU, L'HUMANITÉ GLORIEUSE DE L'AVENIR.


Ce rapprochement entre l'Église et la maçonnerie est une des conditions clefs du système 1 une opération indispensable à l'intégration dans le tout synarchique et, puisqu'il en est ainsi, il faut en second lieu trouver des interlocuteurs ecclésiastiques. Déjà, peu de temps avant sa mort, Saint-Yves d'Alveydre avait exprimé le désir de trouver des comparses dans le clergé, des prêtres "marchant dans les voies du christianisme synarchique...

UN ORDRE DE PRÊTRES DE CETTE ABNÉGATION ET DE CETTE BONNE VOLONTÉ AUTORISÉ PAR ROME, ACCEPTÉ D'AVANCE PAR LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS AURAIT UNE PORTÉE INCALCULABLE DANS LA SOLUTION DIFFICILE DU PROBLÈME DE LA RÉCONCILIATION SYNARCHIQUE DES DEUX SOCIÉTÉS CIVILE ET ECCLÉSIASTIQUE.

Souhait grandiose! Mais ces prêtres n'existaient-ils pas alors? Les Roca, les Montalte, les Jeannin, les Alta, les Siouville et d'autres que Saint-Yves disait connaître? Sans doute y en a-t-il encore car il y a toujours eu, il y aura toujours des renégats, des transfuges. Laissons ceux-là qui déjà ne sont même plus nécessaires. Roca voyait plus juste car il s'y connaissait quand il prévoyait que des ecclésiastiques séduits par les perspectives d'un Catholicisme rénové plus large, plus œcuménique selon son propre sens feraient l'office d'interlocuteurs, sans se douter des objectifs recherchés. De ceux-là on pourrait dire ce qu'il disait alors des Jésuites en les brocardant.

ILS SONT LES VRAIS NIHILISTES DU VIEUX MONDE. C'EST LA LEUR GLOIRE... LAISSEZ-LES CONTINUER; ILS SONT PLUS EXPERTS QUE VOUS DANS L'ART D'ENTASSER LES RUINES.

C'est à cette double condition que les hauts dignitaires des grandes obédiences maçonniques vont pouvoir entrer en lice. Ils auront la possibilité du dialogue avec des catholiques, voire des clercs, sur un spiritualisme prétendu commun. Le Christ, oui mais bien sûr pas celui de Rome; pas de dogme, mais une révélation intérieure et personnelle avec laquelle le modernisme n'a que trop d'affinités; et aussi alliance nécessaire avec le socialisme. Le christianisme pur c'est le socialisme a dit Roca et tout le monde est chrétien à sa manière, au moins en germe! Plus donc question de luttes, ni d'anathèmes, mais, retour aux sources, évolution, compréhensive adaptation, bonnes relations avec les Frères... que d'ailleurs la grande guerre de 1914-1918 aura, dira-t-on plus tard, rapprochés des Curés sac au dos.

Ce dernier canular, en particulier, loin de nous abuser doit au contraire nous convaincre de l'existence d'une machination combinée au niveau des hautes maçonneries, et évoluant tout d'abord loin de la place publique.

Que voyons-nous en effet après cette guerre? Un regain d'anticléricalisme bruyant. Après la législature de 1918, après la chambre "bleu horizon" la lutte reprend contre l'école libre, les religieux, les prétendus empiétements de l'Église. La Grande Loge de France et le Grand Orient déclenchent une offensive à gauche, multiplient les réunions, les meetings, les consignes qui laisseraient prévoir un retour du Combisme si l'opinion s'y prêtait mais qui amène à coup sûr des élections d'un socialisme très avancé. C'est en marge, ou plutôt derrière cette scène que se tiennent très réellement des conversations renouant la chaîne des entretiens d'avant-guerre, car la tradition des Vulliaud, des Larmandie, des Marc Sangnier n'est pas perdue. En 1910 on avait fondé les très synarchiques DÉCADES DE PONTIGNY; on les reprend avec des chefs d'entreprises, des membres des professions libérales, des universitaires auxquels se joignent, dit-on, de braves ecclésiastiques ignorant sans doute les hautes instances initiatiques qui tirent les ficelles. De tout cela un mouvement va sortir. Après la mort de Papus, en 1916, l'Ordre martiniste s'est scindé en deux; l'une des branches, L'ORDRE MARTINISTE ET SYNARClllQUE dirigé par Victor Blanchard, brillant second du Mage disparu, va l'animer. C'est ce mouvement, chef d'œuvre de ce que Monseigneur Jouin appelait la maçonnerie blanche" qui, pour créer d'une manière avisée le climat d'accommodement avec l'Église, allait s'appliquer à la conquête de personnalités ecclésiastiques en même temps que des classes bourgeoises et de certains états majors syndicaux.


Notes:
(*) organicien, enne adjectif et nom. Relatif à l'organicisme. Nom. Partisan de l'organicisme.
organicisme, nom masculin. Médecine. Doctrine qui attribue toute maladie à la lésion d'un organe. Biologie. Doctrine qui admet que la vie résulte non d'une force qui anime les organes, mais des organes eux-mêmes.
organiciste, nom masculin. Partisan de l'organicisme.

Et rebelles ne sont que trop ceux qui professent et répètent, sous des formes subtiles, des erreurs monstrueuses sur l'évolution du dogme, sur le retour au pur Évangile (c'est-à-dire à l'Évangile émondé, comme 11s disent, des explications de la théologie, des définitions des Conciles, des maximes de l'ascétisme) sur l'émancipation de l'Église, à leur manièrè nouvelle, sans se révolter afin de ne pas être chassé, sans se soumettre néanmoins pour ne point manquer à ses propres convictions; enfin, sur l'adaptation aux temps présents, en tout, dans la manière de parler, d'écrire et de prêcher une charité sans foi, très indulgente envers les incroyants, mais qui ouvre à tous la voie de la ruine éternelle.
(Saint Pie X, 17 avril 1907)

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